Histoire

Nous sommes ici pour mourir

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Sous-titré « L’itinéraire d’Arlette Lévy-Andersen rescapée d’Auschwitz », ce livre, Nous sommes ici pour mourir, relate le parcours de cette femme née en 1924 et qui a décidé, dans les années 1990, de témoigner. « ...Ce que l’histoire enseigne, en particulier celle d’Arlette Lévy-Andersen, ce sont tous ces mécanismes qui mènent à l’anéantissement, à la destruction d’un peuple. Ces mécanismes furent au cœur même de la civilisation et ont conduit à l’abolition même de l’idée d’une civilisation. L’obsession de la pureté. La discipline. L’indifférence. Et bien sûr, cette vieille haine des Juifs qui se porte toujours aussi bien. » Ainsi François Zimeray, ancien ambassadeur pour les Droits de l’Homme, ancien ambassadeur de France au Danemark, s’exprime-t-il avec pertinence à propos de cette femme à laquelle il remit un jour les insignes de l’Ordre de la Légion d’honneur, la plus haute distinction française. À dix-huit ans, titulaire du baccalauréat, Arlette Lévy s’inscrit à l’université de Clermont-Ferrand, qui accueille des étudiants venus de toute la France occupée et notamment de Strasbourg, pour suivre des cours d’anglais. Son père, qui a combattu pour la France durant la Première Guerre, est confiant, les Juifs intégrés comme eux n’ont pas de soucis à se faire. « Nous vivions comme des Français ordinaires et, à cette époque, il n’y avait aucune différence entre les catholiques, les protestants et les personnes de confession juive. » Le 25 novembre 1943, à la suite d’une trahison, elle est arrêtée en tant que juive, à l’occasion de ce qui fut la plus grande rafle perpétrée dans le milieu universitaire français. Déportée à Drancy puis à Auschwitz (matricule 74853) avec Denise, une amie étudiante du même âge qu’elle, elle fait partie des quelques dizaines de survivants qui seront de retour en mai 1945, après de terribles « marches forcées » à travers l’Allemagne bombardée. L’année suivante, elle séjourne six semaines à Copenhague, invitée par l’Alliance française. Elle y rencontre Ole Andersen. Ils se marient à Paris en 1951 et, en 1952, elle s’installe définitivement au Danemark. De 1961 à 1994, elle exercera comme professeure de français au lycée de Fredericia, où elle réside avec Ole et leurs deux enfants. La sortie de Jean-Marie Le Pen sur le « point de détail de l’histoire » l’incite à révéler son drame. Elle multiplie les conférences à destination des collégiens et des lycéens – il est temps, les ultimes témoins de la barbarie nazie disparaissent et l’extrême droite, se sentant le vent en poupe, entend réécrire l’histoire. Le journaliste Morten Vestergaard publie l’histoire de cette femme, Pigen fra Auschwitz (Une Jeune fille à Auschwitz). Thomas Kvist Christiansen, journaliste indépendant, se rend compte qu’il connaît Arlette depuis toujours, puisqu’il a grandi à Fredericia, à quelques maisons de la sienne. Il s’empare de ses propos pour lui consacrer un documentaire, puis un ouvrage comprenant des entretiens réalisés à Clermont-Ferrand, à Paris et au Danemark, Nous sommes ici pour mourir, aujourd’hui traduit en français par l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand. Dans ce beau livre richement illustré (notamment de photographies prises sous l’Occupation et de lettres manuscrites de la jeune femme), Arlette Lévy-Andersen revient sur cette folie, l’antisémitisme, qui a atteint une bonne partie du monde au XXe siècle – le XXIe siècle ne semble pas devoir être épargné. À l’ère des fake-news et du complotisme récurrent et alors qu’un politicien, au début d’une nouvelle campagne pour les élections présidentielles, ose prétendre que Pétain a protégé les Juifs français, son témoignage revêt une importance exceptionnelle. L’exemple de cette femme ne doit jamais être oublié.

* Thomas Kvist Christiansen, Nous sommes ici pour mourir (Vi er her for at dø, 2018), trad. Fabrice Boyer, introduction Julien Bouchet, Presses universitaires Blaise-Pascal Clermont-Ferrand, 2021

 

L’Étoile boréale

Avec L’Étoile boréale, Anne Mahé, diplômée de l’Université du Texas à Dallas et professeur d’histoire-géographie, publie son troisième roman. Elle entreprend de relater ici, au travers de la vie de plusieurs jeunes amis, le sauvetage des enfants juifs entre le Danemark et la Suède en octobre 1943. Le royaume danois est alors occupé par les troupes allemandes depuis le printemps 1940, avec un statut moins contraignant que celui d’autres pays européens. Mais les nazis accentuent leur pression, ils ne se satisfont plus de piller les ressources, ils entendent à présent infliger aux Juifs du Danemark un sort identique à celui qu’ils ont infligé aux Juifs d’Allemagne. Pour les résistants, « maintenant, il ne s’agissait plus d’effectuer des sabotages ou des actions de guérilla, (…) ils devaient se battre contre des soldats entraînés et aguerris et mettre leur vie en danger. » Sur le même sujet, peu connu en France, notons le roman de Lois Lowry, Compte les étoiles (L’École des loisirs, 2009), destiné plutôt aux adolescents. Préfacé par Serge Klarseld, L’Étoile boréale est un roman didactique bien réussi, qui montre que la résistance et la solidarité peuvent contrer efficacement les plus sinistres desseins.

 

* Anne Mahé, L’Étoile boréale (Danemark, octobre 1943), préface Serge Klarsfeld, L’Harmattan, 2019

Harald à la Dent bleue

Harald a la dent bleue

Lucie Malbos avait déjà publié il y a quelque temps une thèse fort intéressante, Les Ports des mers nordiques à l’époque viking (VIIe - Xe siècle). Maître de conférences en histoire médiévale à l’Université de Poitiers, elle récidive aujourd’hui avec cette biographie incertaine de Harald à la Dent bleue, sous-titrée « Viking, roi, chrétien ». « Loin d’être un ambitieux ouvrage de recherche, ce livre se veut plutôt une modeste synthèse, accessible à un lectorat d’intéressés, de curieux, voire de rêveurs, malgré tout prêts à suivre une démarche rigoureuse. » Modeste synthèse ? C’est à voir, car l’ouvrage fourmille de renseignements et d’érudition. Ce roi sur lequel on sait à vrai dire peu de choses (un être intelligent ? un triple sot ?) est celui qui a converti le Danemark au christianisme et l’a fait entrer dans la modernité. « Les élites nordiques », souligne Lucie Malbos, « voyant dans la nouvelle religion une façon de légitimer leur autorité, ont (…) joué un rôle actif dans sa diffusion sur les terres de leurs ancêtres ». Harald Ier, en vieux norrois Harald Gormsson, né vers 910 et mort, semble-t-il, en 985 (« la fourchette est large et les certitudes (sont) bien maigres »), fut surnommé Harald à la Dent bleue sans que l’on sache trop pourquoi. De son écriture aussi informative que limpide, Lucie Malbos émet plusieurs hypothèses (avait-il des caries ? mangeait-il des myrtilles ?) sans se prononcer, ne disposant pas d’éléments incontestables. Combien de temps a-t-il gouverné ? Même flou. Peut-être cinquante années, mais les sources se contredisent. « On n’a pas la moindre idée non plus de ce à quoi ce roi pouvait bien ressembler... » On ignore aussi la date et le lieu de la première royauté au Danemark : au VIe siècle au Jutland ? En Fionie ? Au Seeland ? Ces nombreux doutes énoncés, l’universitaire va s’appuyer sur des textes connexes, d’Adam de Brême, de Saxo Grammaticus ou les sagas islandaises, ou ceux écrits longtemps après, afin d’élaborer vaille que vaille le portrait humain et politique de celui qui a donné son nom, ou son pseudonyme, à une technologie aujourd’hui largement répandue, le bluetooth. Né « barbare », autrement dit « païen », le futur roi entre dans l’histoire du Danemark lorsqu’il se convertit. L’histoire, avec ses vaguelettes de certitudes et ses flots d’incertitudes – « c’est d’ailleurs ce qui la rend si fascinante », peut-on conclure avec l’auteure.

* Lucie Malbos, Harald à la Dent bleue, Passés composés, 2022

 

Knud ou les 7 expéditions de Thulé

Knud ou les 7 expeditions de thule

« Knud Rasmussen était certes danois et ne remit jamais en cause la colonisation. Cependant, de par son métissage, sa double culture, sa connaissance fine et profonde de la pensée inuite, il contribua fortement à insérer les Inuits dans le monde moderne. » Rémi Paolozzi (né en 1971) livre ici une biographie romancée du grand explorateur. Knud Rasmussen (1879-1933), né au Groenland d’un père pasteur danois et d’une mère d’origine inuit, qui rêvait en groenlandais lorsqu’il était enfant – ce qui atteste de ses liens avec cette terre et de son attachement à sa population, rejetant le racisme qui régnait chez nombre de ses contemporains. Guère porté sur les études, il séjourne un temps à Copenhague, à l’instigation de son père qui tenait à le voir acquérir un métier, avant, en qualité de journaliste, de revenir au Groenland, monter des expéditions « littéraires » de découverte du pays et de ses habitants. « Il aimait ce peuple malgré la violence qui pouvait parfois surgir de ces hommes, notamment quand ils battaient sauvagement leur femme. » Knud Rasmussen va tenter de leur expliquer « pourquoi il ne fallait pas battre sa femme ». Cette violence sous-jacente, constante, l’horrifie et il ne se l’explique que difficilement. « Rarement des hommes, dont le cœur avait été préservé par la nature », écrira-t-il, « avaient commis des actes d’une telle brutalité. Jamais la désolation, l’isolement et le marasme spirituel n’avaient forcé des personnes aussi bonnes à commettre des actes de brutalité aussi insensés. » Puis il développe le comptoir de Thulé, que les Américains transformeront lors de la Guerre froide en immense base militaire. À partir de ce lieu, de nouveaux liens entre le Groenland et le Danemark, autrement dit le monde civilisé, s’établiront. Vision scientiste, comme les XIXe et XXe siècles en furent friands, vision qui déborde de prosélytisme, comme celle des missionnaires ici ou là quelques décennies plus tôt. « L’idée première du comptoir était (…) d’approvisionner les Inuits polaires. (…) Knud était persuadé qu’il aiderait ce peuple à s’adapter au monde moderne, à profiter du progrès et à préserver leur existence plutôt que de disparaître, engloutis dans un modernisme qui détruisait les plus faibles. » Idée peut-être alors généreuse, d’allure sympathique, mais totalement fausse, puisque le progrès a bouleversé l’existence de ces peuples et a fini par quasiment les annihiler. Mais Rasmussen n’en fut pas responsable, lui qui s’émerveillait de la culture inuit. Ce n’est pas un hasard si Jean Malaurie lui dédicaça son ouvrage Les Derniers rois de Thulé. C’est en reliant le Groenland à la Sibérie en traîneau tiré par des chiens que Rasmussen acquit ses lettres de noblesse. Un voyage de trois ans, d’une grande pénibilité, et par ailleurs un travail d’anthropologue salué par ses pairs et par tous les passionnés d’aventures, nombreux en cette époque où les limites du monde ne cessaient de reculer. Knud Rasmussen, « l’un des plus grands spécialistes de la science arctique » selon Jean-Baptiste Charcot, autre explorateur de renom, mena ainsi sept expéditions au départ du Groenland. Il est donné comme le fondateur de l’« esquimaulogie », selon Malaurie, et quantité des artefacts qu’il a trouvés durant ses expéditions sont aujourd’hui exposés à Copenhague, au Musée national et à l’Institut arctique danois. « Chez les Inuits, la frontière était ténue entre le réel et (les) mondes parallèles. » Ajoutons que Rémi Paolozzi retrace également, brièvement, l’histoire du Groenland et des contrées environnantes. Cette biographie érudite est très agréable à lire et suscitera peut-être de nouvelles vocations d’aventuriers, aussi respectueux que Knud Rasmussen, souhaitons-le, des populations qu’ils découvriront et de leur environnement. « Comme à chaque expédition, les objectifs étaient multiples : zoologie, botanique, archéologie, cartographie, champs magnétiques, culture » – et non militaires ni expansionnistes. L’homme et la nature, pour Knud Rasmussen, plutôt que le commerce et la destruction.

* Rémi Paolozzi, Knud ou les 7 expéditions de Thulé, Le Mot et le reste, 2022

 

Errances

1696 : d’un « naturel rêveur », considéré comme « indolent », Vitus Bering (1681-1741) est chargé d’accompagner son grand demi-frère aux Indes orientales, où ce dernier doit être collecteur de douanes pour éviter une peine de prison au Danemark. Cela tombe bien, le jeune homme dont la famille est installée à Horsens, sur la côte est du Jutland, rêve de traverser l’océan. Quelques années plus tard, il sert le tsar, Pierre-le-grand, pour une expédition en Sibérie, jusqu’aux confins de l’Asie. « Dans le rapport qu’il envoya d’Okhotsk au Collège de l’Amirauté, Bering indiqua qu’il n’avait pas le vocabulaire pour décrire l’extrême difficulté de leur route. » Il en revient acclamé, mais n’aurait-il pas pu poursuivre son voyage ? questionnent de beaux esprits. Une nouvelle expédition lui est proposée, il accepte, alors qu’il n’est plus tout jeune. C’est un périple conséquent. Des dizaines, des centaines de soldats et d’hommes affectés à des tâches diverses, des provisions, des armes, des objets de toutes sortes, des livres par milliers. Une véritable caravane qui se déplace sur des milliers de kilomètres, dans des contrées hostiles, pendant des années. Avec Errances, c’est un roman érudit que livre le philosophe Olivier Remaud, une épopée très vivante. Le lecteur suit au jour le jour Vitus Bering dans sa découverte de l’extrême nord du continent asiatique, en route vers le continent américain. « Lui était capitaine. Sa vie pouvait s’arrêter d’un coup. Un naufrage, une bataille, le scorbut. » Bering mourut d’épuisement sur une île près du Kamtchatka et de la baie d’Avatcha, sans pouvoir rentrer chez lui. Il fixa les frontières de la Russie dans la région et laissa son nom au détroit qui sépare l’Asie de l’Amérique, un endroit qu’il ne fut toutefois pas le premier à parcourir.

 

* Olivier Remaud, Errances, Paulsen, 2019

Jorgen Jorgenson, explorateur, gouverneur, flic et bagnard

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« Jorgen Jorgenson n’est pas le genre d’homme que l’on peut réduire à une catégorie bien précise, hormis peut-être celle des excentriques. » Voilà, dès la première ligne, le ton est donné, le journaliste Bertrand Tardé (né en 1953) nous entretiendra d’un personnage singulier. Jørgen Jørgensen, dit, parmi d’autres pseudonymes, Jorgen Jorgenson (1780-1841), aventurier sans frontière, « diable d’homme » selon son biographe français qui ne tarit pas de qualificatifs du même genre, naît à Copenhague dans une famille d’entrepreneurs – son père était fabricant de montres à Roskilde, puis dans la capitale. À son entrée dans l’âge adulte, ce dernier l’envoie voyager sur les mers afin de lui tremper le caractère. Bertrand Tardé le suit à la trace, faisant de sa biographie un récit d’aventure. Jorgen Jorgenson est un marin affirmé, qui n’a pas froid aux yeux et qui, de fait, est facilement embauché. Il parcourt le monde, des côtes australes de l’Afrique à celles de l’Australie. Il bourlingue, se livre à des activités légales ou moins légales, est emprisonné, sort rapidement de geôle... Il possède de l’allant et, très tôt, de l’expérience, est remarqué, protégé. Le voici en Islande, avec une flotte anglaise. L’île est malmenée par les Danois, les Anglais se verraient bien à leur place, il assiste à « l’impuissance de l’Islande face à la politique de la canonnière ». Ni une, ni deux, « le pouvoir doit être repris aux Danois, jugés incapables d’administrer l’Islande ». Par un jeu de chaises musicales inamical, si l’on peut dire, Jorgen Jorgenson se retrouve dans le rôle du gouverneur. « ...Son statut d’interprète est un atout indéniable. (…) De plus, Jorgenson a prouvé sa loyauté envers les Anglais lors de la bataille de Copenhague. Enfin, il a le soutien des autochtones qui le voient comme un protecteur, sans intérêt à défendre ni liens avec les Danois. » Créer une force armée pour défendre l’île est pour lui priorité. « Tout son projet s’inspire des idéaux de la Révolution française et ne vise qu’un seul but, rendre sa dignité à l’Islande », note Bertrand Tardé. Mais les Danois reviennent, Jorgenson est destitué et rentre en Angleterre. Incarcéré, libéré, il se met à jouer et à collectionner les dettes. Et les condamnations, par la même occasion. « Le jeu lui aura fait gravir tous les échelons : prison, déportation, peine de mort. » S’il parvient à échapper à la peine de mort, à laquelle il a été condamné, il est toutefois déporté en Tasmanie où il demeurera d’abord comme bagnard, puis comme... policier, de 1826 à sa mort d’une pneumonie, quinze ans plus tard. Alcool et vie dissolue... ! Le rappel de cette figure danoise est aussi le tableau d’une époque rude et sanglante, que parvient bien à rendre Bertrand Tardé.

* Bertrand Tardé, Jorgen Jorgensson, explorateur-gouverneur-flic et bagnard, Complicités, 2022

La Saga des rois de Danemark

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Rédigée, selon Simon Lebouteiller (docteur en histoire médiévale et spécialiste de la Scandinavie) qui en fait la traduction et la présentation, « probablement durant les années 1250-1270 », La saga des rois de Danemark ne décevra pas le lecteur amateur du genre. L’épopée des rois danois de la période post-viking, jusqu’en 1187, est ici dressée avec moult conflits, alliances, carnages, trahisons... « Sont ainsi abordés des phénomènes majeurs tels que l’expansion viking, l’unification du royaume danois et la conversion au christianisme, Knútr le Grand et la formation de l’empire de la mer du Nord, l’affirmation difficile de la royauté et les rivalités pour le pouvoir, la sainteté royale, la guerre civile danoise ou encore les croisades dans la Baltique. » Au-delà des rebondissements à chaque page, c’est toute une partie de l’histoire du Danemark et des royaumes nordiques qui est déclinée. Le lecteur fera connaissance avec une foule de personnages (portant souvent le même prénom : Knútr, Haraldr, Eiríkr, Magnús, Óláfr, Sveinn... que des hommes !), d’une génération la suivante, ce qui est le propre d’une saga mais complexifie la lecture. Il ne perdra pourtant pas le fil car l’intrigue est forte et régulièrement datée – des faits historiques sont évoqués. Les souverains et leur cour bataillent, ravageant des régions entières, tuant leurs habitants, s’échangeant des terres et des biens sans tenir compte du « menu peuple ». « C’est la pire des abominations que de vouloir réduire toute la population en servitude. On pourrait espérer que cela vous arrive à vous-mêmes, mais les gens sont plus dociles qu’ils ne le devraient. Vous et vos injustices rencontrerez plus de succès ailleurs qu’ici. Maintenant, venez si vous l’osez. » Et les rois d’être acclamés, portés aux nues, avant d’être contestés, attaqués, renversés, et de se lancer dans des stratagèmes et des alliances dont le peuple est rarement le bénéficiaire. Quant à ceux qui s’élèvent contre eux, leurs méthodes ne diffèrent pas (« Fais ce que je te dis ou bien je te tue... »). Étonnamment actuel, non ?

* La Saga des rois de Danemark (Knýtlinga saga), traduction du norrois et présentation Simon Lebouteiller, Anacharsis, 2021