L-M-N

Bien plus qu’un film sur la guerre, A War, de Tobias Lindholm (né en 1977 et réalisateur, notamment, de Hijacking et de La Chasse et coscénariste de la série télévisée Borgen – excusez du peu  !), est un film sur la justice. De nos jours  : les troupes danoises sont embringuées dans une improbable entreprise de maintien de la paix en Afghanistan. Les risques sont énormes et omniprésents. Une expédition tourne mal, les soldats sont pris pour cibles. Pour sauver ses hommes, le commandant Claus M. Pedersen demande le mitraillage des maisons d’où part le feu ennemi. Des enfants sont tués. Fin de mission. Il est renvoyé au Danemark où il retrouve sa femme, qui s’occupait seule de leurs trois enfants, et doit répondre de ses actes devant un tribunal. Comme si une guerre était jamais exempte de «  dommages collatéraux  » et comme si la responsabilité n’en incombait pas plus aux États qu’à leurs subordonnés…  ! Claus M. Pedersen peut être condamné à quatre années de prison. La fin est plutôt heureuse  ; elle aurait pu être contraire, tant l’arbitraire de la justice n’étonne que ceux qui n’ont jamais eu affaire à elle.

 

* Tobias Lindholm, A War (2015), Studiocanal, 2016

R

Il serait dommage de réduire R de Tobias Lindholm (né en 1977) et Michael Noer (1978) à un film de genre, en l’occurrence un film « de prison », même si ce film se passe effectivement en huis-clos et met en scène essentiellement des détenus (et quelques membres de leur famille) et des surveillants pénitentiaires. R retrace le séjour d’un jeune détenu dans une prison où sont enfermés des hommes fort sympathiques. Souvenez-vous, si vous avez vu Breaking the waves (Lars von Trier, 1996), de ces marins qui assassinent Bess, l’amoureuse prête, par amour, à se prostituer. Imaginez le même type de personnages faisant régner leur loi, celle de la terreur, dans une prison danoise. Comment leur échapper ? R (Rune) s’abstiendra de répondre à cette impossible question, entraînant son ami Rachid avec lui et laissant le spectateur pour le moins désemparé : toutes les prisons sont-elles à cette image ?

 

* Tobias Lindholm & Michael Noer, R (2010), KMBO (2014)

What we become

« Tout ce qu’ils racontent aux infos, c’est de la merde ! » Gentiment complotiste, ce film de Bo Mikkelsen (né en 1973), What we become, mêle science-fiction et zombies. Dans un quartier de la banlieue de Copenhague, une épidémie de grippe virulente cause plusieurs morts. Les autorités instaurent un périmètre de sécurité, avant d’être débordées. Les morts vivants cherchent des proies.

 

* Bo Mikkelsen, What we become (Sorgenfri), 2015

The Guilty

Il y avait autrefois les films sans parole ; il y a aujourd’hui un film qui n’est (ou presque) que paroles : The Guilty. Copenhague, aujourd’hui. Asger Holm est policier, affecté au 112. C’est lui qui décroche et redistribue les appels d’urgence. Quand une femme lui annonce être victime d’un enlèvement, il cherche à en savoir plus, mais la communication est brutalement coupée. Il va s’efforcer de lui venir en aide. Un seul personnage ou quasiment, pour ce film à suspense tourné en huis-clos. Une réussite.

 

* Gustav Möller, The Guilty (Den Skyldig) (2018)

The Stranger inside

Ce film, The Stranger inside, doit beaucoup à Hitchcock. Jusqu’au décor, au jeu des acteurs, au rythme, aux objets de telle ou telle scène... New York, il y a peu de temps, une célèbre actrice américaine est enlevée, violée, torturée. Sauvée par la police, elle tente de reprendre goût à la vie en vacances sur une île espagnole, où l’emmène son époux. Hélas, ses visions la poursuivent ! Mais... s’agit-il vraiment de visions ? Est-elle folle ou bien, en veut-on à sa vie ?

 

* Adam Neutzsky-Wulff, The Stranger inside (2013)

La Chambre d’en face

Michael Noer a déjà produit R (avec Tobias Lindholm) et Northwest. Avec La Chambre d’en face, nous apprend la jaquette du DVD, il entendait consacrer un film à sa grand-mère, partie avant qu’il en ait eu le temps. On peut penser qu’elle aurait été flattée de recevoir un tel cadeau. La Chambre d’en face est un film subtil - en ceci qu’il soulève beaucoup de questions et ne prétend pas répondre à toutes. « La pimpante Madame Alzheimer en pince pour son voisin le fringant Monsieur Parkinson. Ils fileraient le parfait amour s’il n’y avait un os : Monsieur Légume, l’époux impassible de Madame Alzheimer. » Voici le résumé de l’hebdomadaire Les Inrockutibles (février 2016) de ce film jugé, crime des crimes, « politiquement correct ». Politiquement correct ? À voir, car La Chambre d’en face traite de la dégénérescence physique et mentale avec beaucoup d’humour, un humour à froid, et mérite assurément mieux que cette critique stupidement correcte.

 

* Michael Noer, La Chambre d’en face (Nogle hus spejl, 2014), Black out, 2016