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Coucou bébé

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Coucou bébé : voici un nouveau livre de l’illustratrice suédoise Ingela P. Arrhenius, assistée de Camilla Reid (d’abord directrice éditoriale jeunesse, avant de se consacrer aux livres pour les enfants), pour « le texte et le concept ». Sur d’épaisses pages cartonnées, le très jeune enfant peut faire glisser l’image d’un caneton, d’un agneau, de poussins ou d’un lion, et ainsi apprendre à les reconnaître. « Pousse, tourne, tire et fais glisser ! » Bien que déjà vu cent fois, c’est ludique et mignon jusqu’à la dernière page où un miroir renvoie au jeune lecteur son propre visage.

* Camilla Reid, Coucou bébé (2021, ill. Ingela P. Arrhenius), trad. éditions Gründ, Gründ, 2022

L’Étranger

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Dessinateur, peintre, graphiste, sculpteur et aussi auteur, voici quelques-uns des domaines dans lesquels le Suédois Kjell Ringi (1939-2010), a excellé aux États-Unis. Les éditions l’École des loisirs nous proposent aujourd’hui (pour une première publication outre-Atlantique en 1968 !) L’Étranger, un album qui, au vu de l’actualité, ne peut qu’interroger le lecteur, quel que soit son âge et notamment les plus petits. « Il était une fois un roi et son peuple qui vivaient en paix. Un jour arriva un étranger. » Celui-ci (sans rapport avec le roman de Camus) ne se manifeste pas, il n’affiche pas de prétention, ne lance pas de menace. Il n’en est donc que plus inquiétant : « Il répandit un sentiment de malaise dans le pays. » Le roi fait donner l’armée, en vain. Mais « l’étranger » se met à pleurer et à pleurer, jusqu’à ce que le royaume soit submergé par ses larmes. Et finalement, il arrive que d’un prétendu mal naisse un bien, comme nous le prouve avec intelligence ce bel album.

 

* Kjell Ringy, L’Étranger (The Stranger,1968), trad. de l’américain Camille Guénot, L’École des loisirs (Kaléidoscope), 2018

Greta Thunberg, grève de l’école pour le climat

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Avec ses couettes et sa bouille ronde et souriante, Greta Thunberg, ici dessinée par l’illustratrice allemande Anke Weckman, présente bien des traits communs avec la célèbre Fifi Brindacier, le personnage de l’écrivaine Astrid Lindgren. On peut ajouter qu’elle est de famille avec Lisbeth Salander, l’héroïne cyber-punk de Stieg Larsson et de sa trilogie Millénium, atteinte elle aussi du syndrome d’Asperger. En faire, grâce également au texte de Maria Isabel Sánchez Vegara, une héroïne d’album pour enfants, pourquoi pas ? Il y a des héros plus stimulant que Bécassine ou les princesses éternellement nunuches des contes. « Greta, la petite Suédoise, a appris très tôt à éteindre les lumières, à ne pas gaspiller l’eau et à ne jamais jeter de la nourriture. Ce sont trois moyens simples de protéger la nature. » Les couleurs sont vives, le texte est direct. L’album, Petite & Grande, Greta Thunberg, destiné aux jeunes enfants (disons de cinq à huit ans), se prête bien pour entamer une petite discussion sur la pollution et le réchauffement climatique. L’éditeur prévient que « cet ouvrage est publié sans autorisation, licence ou approbation de Greta Thunberg », mais on voit mal la jeune écologiste se plaindre de la façon dont elle est représentée ici, dans une collection qui accueille Marie Curie, Anne Frank, Joséphine Baker, Malala Yousafzai ou Helen Keller... et quelques hommes comme Albert Einstein ou Nelson Mandela...

* Maria Isabel Sánchez Vegara, Petite & Grande, Greta Thunberg, grève de l’école pour le climat (Pequeña & Grande – Greta Thunberg, 2020, adapt. In Texte), ill. Anke Weckman, Kimane (Petite & Grande), 2022

Trois garçons

« Ce printemps-là, Bella, Momo et moi avions quatorze ans. On passait tout notre temps ensemble », raconte Kim, troisième fille du groupe, avec « un corps qui grandissait, qui commençait à se transformer et à bourgeonner ». Grâce au nectar d’une plante étrange cultivée par Bella, le trio se métamorphose, chacune devient un garçon et observe le monde avec des yeux neufs. Changer de sexe, ce n’est pas forcément la panacée, découvrent Momo et Bella, tandis que Kim, elle, se prend au jeu et tombe amoureuse-amoureux d’un garçon. Un mauvais garçon, plutôt. Ce résumé ne saurait rendre la poésie qui se dégage de chaque page de ce livre. Jessica Schiefauer (née en 1978) signe là son deuxième roman, récompensé en Suède par le prestigieux prix August. Roman initiatique, à l’évidence, et qui dépasse la seule question du rapport hommes-femmes (ou garçons-filles), roman de science-fiction, voire, notamment dans la dernière partie, nébuleuse quête identitaire : au-delà des clivages de genres, quelle est la place de chacun-chacune dans ce monde ? Un superbe texte.

 

* Jessica Schiefauer, Trois garçons (Pojkarna, 2011), trad. Marianne Ségol-Samoy, Thierry Magnier, 2019

Atlas des mystères

Atlas des mysteres

Les choses inexpliquées, mystérieuses, notre monde en regorge et cela ne date pas d’hier. Dans ce bel album, Atlas des mystères, Sarah Sheppard entreprend d’en recenser un certain nombre et de fournir des explications. Quid, du triangle des Bermudes, par exemple, au large de la Floride, où des navires et des avions auraient disparu ? Le Yéti, existe-t-il ? Bigfoot ? Et... le monstre du Storsjön ? Les OVNIS, une réalité, à l’heure où la NASA avoue officiellement enquêter à leur sujet ? Les petits hommes verts ont-ils déjà débarqué sur notre planète ? Le Saint-Graal, c’est quoi ? L’Atlantide ? Et la crainte du « vendredi 13 » ? Qui veut se promener dans le château de Dracula ? Voir les pierres de Stonehenge ? Ou l’île de Pâques ? Les pyramides d’Égypte ? Sarah Shepard s’amuse aussi à présenter à ses lecteurs quelques-unes des bizarreries de la nature, les îles lointaines ou les gouffres géologiques à plusieurs dizaines de mètres sous terre. La cryptozoologie, apprend-elle encore, concerne « l’étude des animaux non identifiés dont on ne peut prouver l’existence » (pour Dieu, les religions s’en chargent). Elle termine son livre sur une note d’optimisme : l’évasion de détenus de la prison d’Alcatraz (« 5 n’ont pas été retrouvés »), naguère. Nul doute qu’un jeune enfant se ravira de feuilleter ce bel album très didactique sous ses dehors ludiques, en quête des failles attestées ou inventées dans le savoir de l’espèce humaine... (Moi, à huit ou dix ans, j’aurais craqué !)

* Sarah Sheppard, Atlas des mystères (Mystika platser & olösta mysterier, 2020), trad. et adapt. Alain Gnaedig & Helena Grönlund, L’École des loisirs, 2022

Atlas pour aventuriers

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Amateurs, jeunes ou moins jeunes, de cartes du monde, plongez dans ce livre signé Sarah Sheppard (née en 1971), Atlas pour aventuriers. « On peut voyager partout quand on a les bonnes cartes », nous dit l’un des petits personnages bizarres qui parsèment ce bel album. « Tu trouveras sur les cartes de ce livre tout ce qu’il y a d’étrange, de fantastique et de passionnant sur terre », avertit quant à elle l’auteure. Pour commencer, l’or et les pierres précieuses. Place, ensuite, aux « endroits mystérieux », avec un inventaire des êtres censés y vivre, comme le monstre du Storsjön, en Suède, près de la ville d’Östersund. Puis une carte des lieux de piraterie, une autre des « explorateurs et aventuriers », une des « animaux dangereux » (« Il y a très peu d’animaux qui sont dangereux pour l’homme. En vérité, c’est surtout l’homme qui est dangereux pour les animaux ! »), une des océans, des fosses océaniques, des montagnes, des plaques tectoniques… Un livre pour apprendre et pour voyager sans bouger, à lire et à relire.

* Sarah Sheppard, Atlas pour aventuriers(Viktiga kartor, 2013), trad. Alain Gnaedig, L’École des loisirs, 2017

Requins

Pour tout savoir sur les requins, que l’on soit un enfant ou un adulte, ce livre de Sarah Sheppard, Requins. Requin-tigre, requin-bouledogue, requin-roussette, requin-mako, requin longimane, requin-nourrice, requin-carpette, requin bleu, requin-lézard, requin griset... Plus de cinq cents espèces de requins, divisées en huit ordres, peuplent les océans et mers du globe. Joliment illustré par l’auteure, ce livre en présente plusieurs et nous relate nombre d’anecdotes à leur sujet, comme le requin-marteau qui mange ses frères et sœurs. Sarah Sheppard avait déjà publié un remarquable Atlas des aventuriers. Ce volume consacré à ces féroces prédateurs atteste de son intérêt pour la nature, au sens large, et de la qualité de son dessin.

 

* Sarah Sheppard, Requins (Hajar, 2015), trad. Alain Gnaedig, L’École des loisirs, 2019

La Nuit lumineuse

« La nuit est faite à la fois d’obscurité profonde et de lumière », prévient Lena Sjöberg (née en 1970 ; on trouve d’elle un autre album traduit en français : Que caches-tu dans ton dos ?), avant de nous annoncer qu’elle va nous emmener « découvrir une forêt la nuit » et parcourir « une ville déserte » pour observer « tout ce qui y brille ! » La Nuit lumineuse est un album destiné aux jeunes enfants, mais dans lequel, vulgarisation scientifique aidant, les plus grands ou même les adultes prendront plaisir à se plonger. L’auteure nous explique un par un les principaux effets lumineux produits par la nature la nuit : ciel étoilé, aurores boréales, animaux luminescents comme les vers luisants (s’il en reste !)... Ou Vénus, les étoiles filantes, la Voie lactée... Ou encore les feux follets, la foudre, certains champignons... Et ce, dans les airs, sur terre ou sous l’eau... Émerveillement garanti à chaque page, avec une interrogation finale : « Jusqu’à quel point exactement devrions-nous mener des expériences sur la nature ? » Un très bel album, pour trouver la lumière au plus sombre de la nuit.

 

* Lena Sjöberg, La Nuit lumineuse (Natten lyser !, 2018), trad. et adapt. Laurana Serres-Giardi, Rue du monde, 2019

Blaise et Basile

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Plusieurs des livres de Ulf Stark (né en 1944), romancier, scénariste et auteur pour la jeunesse, sont depuis longtemps disponibles ici. Songeons à Tu sais siffler, Johanna ? (illustré par Anna Höglund), Laissez danser les ours blancs ou Les Casse-pieds et les fêlés (on trouve également plusieurs de ses albums dans les magasins IKEA). Des livres pleins de sensibilité, d’intelligence, pour les enfants curieux. Blaise et Basile est un petit roman qui s’inscrit dans cette veine. « Blaise et Basile sont très proches depuis toujours. C’est Blaise le plus vieux. Au fond, leur âge, ils s’en moquent ; ils fêtent leurs anniversaires quand ils en ont envie. » Ce n’est pas le plus important. Ce qui les intéresse plus, c’est d’observer ce qui se passe autour d’eux. Et, pour en savoir plus, beaucoup plus, ils décident d’effectuer un long voyage et, à l’occasion, de retrouver leur papa, un aviateur qui peut-être « erre seul dans le désert brûlant ». Voilà un vrai projet. Blaise ne réfléchit pas beaucoup ; Basile, lui, a la tête sur les épaules. L’aventure les amène dans différents endroits, une forêt, la ville, un hôtel, un cirque, et tout les surprend et les incite à reconsidérer ce qu’ils croyaient savoir, mais aussi à regretter ce qu’ils ont laissé derrière eux : « …la maison, les cabinets et la remise à bois ». Heureusement, comme dans une autre histoire célèbre, les étoiles brillent et les guident, « un nouveau jour se lève » et lorsqu’ils poussent la porte de la maison du grand horloger, leur but est enfin atteint.

 

* Ulf Stark, Blaise et Basile (Märklin och Turbin, 2005), trad. Ludivine Verbeke, ill. Ariane Pinel, Bayard (Jeunesse), 2016

La Cavale

« Son cœur est trop gros et trop fragile. Il est trop malade, trop colérique, trop têtu et trop dingue. » Grand-père est sérieusement malade et le voilà cloîtré à l’hôpital. Gottfrid, son petit-fils, en éprouve beaucoup de peine. « ...Je trouve ça bien qu’il ne soit pas comme tout le monde », dit-il à son père, qui lui ne veut pas venir en aide au vieil homme, estimant que ses ennuis de santé sont de sa faute. Avec l’aide d’une jeune boulanger, son quasi-cousin, le petit-fils finit par monter un plan pour conduire son grand-père si bougon une dernière fois dans la maison où il a passé toute sa vie avec sa femme. Ulf Stark (1944-2017) a signé de nombreux ouvrages pour les enfants. Celui-ci, son dernier roman, illustré par Kitty Crowther (née en 1970 et lauréate en 2010 de l’ALMA, équivalent du Nobel de littérature en jeunesse) est un petit bijou. Pas d’explication simpliste, pas de morale gentillette. « Parfois, mentir, c’est la seule façon de dire toute la vérité. » Mais attention, parce que « le mensonge était sans fin... On inventait un truc malin. Mais (…) il fallait mentir à nouveau pour que le premier mensonge ne soit pas découvert. Et ça continuait jusqu’à ce que, finalement, il n’y ait plus qu’un monde rempli de mensonges. » Mieux vaut donc dire la vérité, quitte à tout chambouler autour de soi et finir par se convaincre que « le paradis existe, c’est prouvé ». Si cela peut faire plaisir à son grand-père – et un petit peu à soi-même, par la même occasion... ! La Cavale est un roman touchant sur la vieillesse, la mort, la filiation.

 

* Ulf Stark, La Cavale (Rymlingarna, 2018), trad. Alain Gnaedig ; illustrations Kitty Crowthers, L’École des loisirs (Pastel), 2019

L’Île des disparus

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Après la série policière prenant l’archipel de Stockholm pour cadre de maman Viveca, voici la série de maman et de sa fille Camilla. Les lieux restent les mêmes, inutile de trop changer une recette qui marche, mais les personnages et l’intrigue s’adaptent évidemment au nouveau public visé, à savoir les adolescents. Comme Tuva, bientôt treize ans, qui séjourne sur l’une des îles. Tout est bizarre depuis un moment. « Je voyais quelque chose bouger par la fenêtre. J’entendais des bruits à travers les murs de la maison. Ça venait de la mer. Entre le soupir des vagues et leur déferlement sourd. » Inquiétant, non ? Surtout que des habitants disparaissent, enfants et adultes, sans raison apparente. Et notamment Axel, un camarade de classe de Tuva et de son ami Rasmus. Des elfes l’auraient-ils enlevé ? « Les îles ne sont plus que des masses aux contours flous. Les arbres nus, comme dessinés à l’encre de Chine, forment des silhouettes presque invisibles s’étirant dans la nuit. Je frissonne et enfouis les mains dans mes manches, mais le froid ne me lâche pas. » Tuva est-elle vraiment la fille de ses parents ? Est-elle pourvue de branchies parce qu’elle est en réalité un « changelin » ? Les êtres qui vivaient naguère sur ces îles ou aux alentours sont-ils menacés par les activités humaines ? « La mer est devenue si sale, si polluée. Bientôt, aucun être vivant ne pourra y vivre. » Finalement, en dépit de nos réserves initiales, ce premier volume de L’Île des disparusLa Fille de l’eau, parvient à entraîner le lecteur dans un monde onirique (et pourtant bien ancré dans la réalité) bien moins nunuche que les romans de Viveca Sten dont l’action se déploie sur l’île de Sandhamn. Des conseils sont mêmes donnés en fin de volume pour préserver la mer Baltique, « une des mers les plus polluées au monde ».

 

* Camilla & Viveca Sten, L’Île des disparus/1 - La Fille de l’eau(Djupgraven, 2016), trad. Marina Heide, Michel Lafon, 2018

On va au parc

On va au parc

S’il existe un endroit où se réfugier quand on est enfant, c’est le jardin public. Le parc. On s’y promène, on y joue, on s’y sent bien. Celui, par exemple, présenté dans On va au parc, ce superbe album de Sara Stridsberg (née en 1972, auteure de Beckomberga, roman consacré à la fermeture de l’hôpital psychiatrique de Stockholm) pour le texte et Beatrice Alemagna (née en 1973 et déjà maintes fois récompensée par les prix les plus prestigieux pour la qualité de son œuvre) pour les illustrations. C’est un parc comme les autres, ici. Les villes en comptent toutes de nombreux et pourtant tous sont différents. Chacun possède sa propre atmosphère, ses propres secrets. « Au parc, tout peut arriver. Parfois, il s’y passe tant de choses que le monde chavire. Parfois, il ne s’y passe strictement rien. Nous, on s’en fiche. On ne veut que ça : aller au parc. » En réalité, ce n’est pas un livre que Sara Stridsberg et Beatrice Alemagna nous présentent là. C’est beaucoup plus. Un poème dans lequel se jeter tête la première peut-être, une sorte de jardin d’Éden. Le texte précède l’illustration – laquelle se tient sur une page ou sur deux. Du coup, l’illustration (gouache, pastel) est mise en valeur. « Certains disent que nous venons des étoiles, que nous avons vu le jour grâce à de la poussière d’étoiles, que nous virevoltions autrefois dans l’univers, avec nulle part comme origine. Nous, on ne sait pas. Donc, on va au parc. » Textes et illustrations se répondent, tout en ouvrant les portes sur l’onirisme propre à l’enfance. Le texte est très fort, le graphisme magnifique, c’est une totale réussite.

* Sara Stridsberg/Beatrice Alemagna, On va au parc (Vi går till parken, 2021), trad. Jean-Baptiste Coursaud, La Partie, 2022

Le Livre qui ne voulait pas être lu

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Il y avait eu Carl-Johan Forssén Ehrlin et ses livres qui faisaient s’endormir les jeunes enfants (Le Lapin qui veut s’endormir, puis le tracteur, la petite éléphante, tous animée des mêmes intentions). Voici, dans un registre similaire, Le Livre qui ne voulait pas être lu, de David Sundin (né en 1976, comédien et homme de télé très populaire), le livre jeunesse apparemment le plus vendu en Suède en 2020. Un livre qui refuse d’être lu, même un jeune enfant s’en étonnera. C’est pourtant ce qu’exprime celui-ci, à chaque page tournée. « Lire l’histoire d’un livre qui ne veut pas être lu peut se révéler très difficile. Voire quasiment impossible. Vous feriez peut-être mieux d’en choisir un autre ? » observe l’auteur en préambule. La mise en page et les illustrations « à l’ancienne » permettent, à cet ouvrage, de refouler les lecteurs : la taille des caractères se réduit, ils peuvent même s’effacer, ou augmente, les pages flambent... Diabolique ! Mais le lecteur ne saura pas ce qui explique un tel comportement. Arrivés au terme de la trentaine de pages du volume, difficile de savoir où l’auteur veut nous entraîner (nous, car le lecteur n’a cesse de vouloir endormir l’enfant).

* David Sundin, Le Livre qui ne voulait pas être lu (Boken som inte ville bli läst, 2020), trad. Anna Postel, Robert Laffont, 2022

 

 

La Petite encyclopédie illustrée des animaux les plus étonnants

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Les amoureux du monde animal et de la nature se réjouiront de la publication de cet album joliment illustré, La Petite encyclopédie illustrée des animaux les plus étonnants, signé Maja Säfström (née en 1987). « J’espère que ce livre vous fera faire de curieuses découvertes et ouvrira plus grands encore vos yeux sur la beauté fascinante du monde animal », écrit l’auteure en préambule. Nombre d’animaux sont présentés sur deux pages, avec, à chaque fois, leurs caractéristiques les plus surprenantes. On apprend ainsi que les chouettes et les hiboux « ont trois paupières : une pour cligner des yeux, une pour dormir et une… pour nettoyer l’œil » ; qu’« une fois devenus adultes, certains papillons ne mangent plus rien… parce qu’ils n’ont pas de bouche. Ils doivent vivre uniquement grâce à l’énergie emmagasinée lorsqu’ils étaient encore des chenilles » ; ou que « les corbeaux peuvent imiter des sons aussi bien que les perroquets »… Un très beau petit livre pour tout savoir sur nos frères et sœurs à plumes, à poils et à écailles… !

* Maja Säfström, La Petite encyclopédie illustrée des animaux les plus étonnants(The illustrated compendium of amazing animal facts, 2016), trad. et adapt. de l’ang. Laurana Serres-Giardi, Rue du monde, 2017

La Petite encyclopédie illustrée des animaux qui vivaient autrefois

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Aux éditions Rue du monde, dont les ouvrages sont plutôt destinés aux jeunes lecteurs, Maja Säfström a publié en 2017 La Petite encyclopédie illustrée des animaux les plus étonnants. Très intéressant. Elle récidive aujourd’hui avec La Petite encyclopédie illustrée des animaux qui vivaient autrefois sur la Terre, ouvrage dans lequel elle recense une cinquantaine d’animaux vraiment étranges qui peuplaient naguère (de moins cinq cents millions d’années à aujourd’hui, ou quasiment) notre belle Terre. Les noms de ces charmantes bébêtes constituent déjà en eux-mêmes un poème : dickinsonia costata, hallucigenia, haikouichthys, opabinia, cameroceras, pteraspis, quetzalcoatlus, oiseau-terreur, etc. Le dunkleosteus terrelli, par exemple, « était un prédateur marin long de 10 mètres, la taille d’un bus. Doté d’une cuirasse épaisse, il ouvrait ses mâchoires extrêmement rapidement, en 1/50ede seconde, pour capturer ses proies : il générait ainsi une puissante succion qui les attirait dans sa bouche. Il avait des plaques osseuses à la place des dents. Son pouvoir de morsure était de loin le plus puissant de tous les poissons. Il mordait aussi fort qu’un tyrannosaure ! » Sympathique, n’est-ce pas ? Et Maja Säfström, architecte par ailleurs, de nous présenter tour à tour des animaux bizarres ou féroces, que nous aurions du mal à imaginer, indiquant le lieu où ils vivaient lorsque les continents étaient encore reliés les uns aux autres. Un prochain volume sera, semble-t-il, consacré aux dinosaures. Ses représentations en noir et blanc sont réalistes et donnent envie d’en savoir plus sur ces êtres vivants qui nous ont précédés sur la planète. « C’est en connaissant tout de cette vie passée que l’on saura mieux protéger l’avenir fragile de la vie sur Terre », rappelle la quatrième de couverture. S’il n’est pas déjà bien tard... !


 

* Maja Säfström, La Petite encyclopédie illustrée des animaux qui vivaient autrefois sur la Terre(Animals of a bygone era an illustrated compendium, 2017), trad. de l’ang. et adap. Laurana Serres-Giardi, Rue du monde, 2018

 

La Petite encyclopédie illustrée des bébés animaux

Après La Petite encyclopédie illustrée des animaux les plus étonnants et La Petite encyclopédie illustrée des animaux qui vivaient autrefois sur la Terre, Maja Säfström offre aujourd’hui aux lecteurs La Petite encyclopédie des bébés animaux. Le principe est toujours le même : établir un lien entre un animal et un concept – sa bizarrerie aux yeux des humains ou sa place dans la chronologie de la planète. Ou, aujourd’hui, son rapport avec ses parents – au travers d’illustrations en noir et blanc sur deux pages, petit format. Cela, avec un humour constant apporté par de petites considérations en légendes. Ainsi pour le dauphin : « Chaque dauphin émet un sifflement qui lui est propre. Il lui sert en quelque sorte de prénom ! » Pour le chameau : « Le bébé chameau naît sans aucune bosse. » Pour le koala : « Avant de pouvoir commencer à manger des feuilles d’eucalyptus, le bébé koala doit commencer par manger les crottes de sa mère. » Ceux qui connaissent la revue La Hulotte consacrée au monde animal retrouveront dans les ouvrages de Maja Säfström un peu de ce savoir didactique mâtiné d’un humour pince-sans-rire. À conseiller aux petits comme aux plus grands.

 

* Maja Säfström, La Petite encyclopédie illustrée des bébés animaux (Amazing facts about baby animals : an illustrated compendium, 2019), trad. et adapt. Laurana Serres-Giardi, Rue du monde, 2019

 

Contes suédois

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Publiés sous le nom de Charlotte Bellamy, qui les a recueillis et « mis en histoires », ces Contes suédois sont en réalité signés Charles-Gustave Tessin (1695-1770) que les Suédois de Paris d’aujourd’hui connaissent pour fréquenter le Centre culturel suédois de la rue Payenne, dans le Marais, autrefois résidence française du comte. Grand amateur et collectionneur d’art, diplomate, Tessin a travaillé au rapprochement avec la France. Stockholm est alors « un petit bourg, un village comparé à la gigantesque Paris » et le château de Åkerö est perdu « quelque part dans la campagne suédoise ». Inédits pour la plupart, destinés au jeune futur roi Gustave III, ces contes sont conservés aux archives suédoises. Une morale les conclut, à la façon des fables de Jean de la Fontaine dont Tessin était un grand lecteur. Ainsi, le premier conte, « Le lion ermite » : « Qu’il est plus facile de gouverner un peuple entier que de se suffire à soi-même. » Soulignons la qualité des illustrations de Petit Berge (Hélène Berge) : par exemple pages 44 et 60, cette femme à grande robe à crinoline, juchée sur un escabeau devant un mur de livres, ou ce renard et ce daim (p. 55) ou ces petites filles autour d’un écureuil arborant des lunettes (p. 59)...

 

* Charlotte Bellamy, Contes suédois (fables de Charles-Gustave Tessin recueillies et mises en histoires par Charlotte Bellamy, illustrées par Petit Berge), Michel de Maule, 2021

 

Une Île trop loin

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Heureuse idée qu’ont eue les éditions Thierry Magnier de rééditer en un seul volume les quatre titres (Une Île trop loinL’Étang aux nénupharsLes Profondeurs de la mer et Vers le large) que Annika Thor (née en 1950) avait consacrés à deux jeunes filles autrichiennes, Steffi et Nelli. Contraintes de fuir les persécutions nazies, elles se retrouvent en Suède, non loin de Göteborg, sans leurs parents. Séparées, elles sont accueillies chacune dans une famille qui s’efforcera, parfois au prix de grosses difficultés et même d’incompréhensions, à faire oublier les horreurs vécues. Deux ans plus tôt, Steffi, Nelli et leurs parents « formaient encore une famille ordinaire. Une famille qui faisait des excursions, prenait le tramway, allait au cinéma et aux concerts, partait en vacances. Depuis, les nazis ont pris le pouvoir en Autriche et ont fait de leur pays une partie de l’Allemagne. Ce qui avait été leurs droits les plus élémentaires leur est aujourd’hui interdit. À des gens comme eux. Aux Juifs. » Neutre durant la Seconde Guerre mondiale, la Suède, on le sait, offrira un havre pour beaucoup d’enfants juifs et c’est avec sensibilité que Annika Thor conte ce qui est beaucoup plus qu’une petite histoire dans la grande.

Même thème, même période, mais plus à destination des adultes : Si ce n’est pas maintenant, alors quand ? Dans ce roman, Annika Thor évoque ici la société suédoise entre les années 1938 et 1943. Des intérêts multiples s’affrontent. Pro et anti nazis tentent d’influer sur le cours de la politique du pays. Le Bureau de l’immigration est au centre de bien des attentes de ce livre et ses personnages ne peuvent, eux, demeurer neutres.

 

* Annika Thor, Une Île trop loin (En ö i havetNäckrosdammenHavets djupÖppet hav, 1996-1999, trad. Agneta Ségol, Thierry Magnier, 2012

* Annika Thor, Si ce n’est pas maintenant, alors quand ? (Om inte nu så när, 2011), trad. Agneta Ségol et Marianne Ségol-Samoy, Thierry Magnier, 2012

Qui suis-je ?

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Qui suis-je : sous-titré « Ou l’histoire de la mouche qui n’aimait pas les bouses de vache », cet album de Maria Trolle présente aux jeunes lecteurs (dès 4 ans, mais les plus grands s’y retrouveront) une petite mouche qui ne ressemble pas aux mouches de son entourage. Ses goûts sont différents et cela lui pose quelques soucis. « Si je ne suis pas une véritable mouche ni une abeille, alors qui suis-je ?! Un ver de terre, peut-être ?! » Mais manger de la terre, beurk ! « Jamais de la vie ! » Une fourmi ? Non plus. Pas facile d’être une mouche qui souhaite vivre comme les autres petites bestioles autour d’elle plutôt que comme les mouches de sa famille. Jusqu’au jour où un ver de telle lui confie le secret : « Sois juste toi-même, mon amie ! Essayer d’être quelqu’un d’autre que toi est totalement stupide ! » Voilà une idée sur laquelle un enfant peut réfléchir longuement. Tout en contemplant les illustrations, très, très belles, en double page vivement colorées avec des coquelicots et des pissenlits montés en graines, même lorsque le noir (sous terre, par exemple) prime : l’univers graphique de Maria Trolle, auteure de nombreux albums en suédois et en anglais, privilégie la faune et la flore – on n’est pas si loin du monde d’Elsa Beskow. Avant de découvrir que les mouches différentes des autres mouches ou les fourmis différentes des autres fourmis ne sont pas toutes seules et qu’ensemble, avec aussi les vers de terre et les abeilles et tous ceux et celles qui le veulent, la famille et les amis et les voisins et tous, peuvent former « le groupe des amis qui vivent exactement comme ils en ont envie » puisque « chacun a vraiment le droit d’être qui il veut ! » Une belle leçon dans un beau décor.

* Maria Trolle, Qui suis-je (Vem är jag ? En saga om att gå sin egen väg, 2020), adapt. Laurana Serres-Giardi, Rue du monde, 2020

 

Plus haut, toujours plus haut !

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La chenille est cachée sous terre. Au retour des beaux jours, elle décide de monter Plus haut, toujours plus haut ! et de se rapprocher du soleil. Elle escalade une tige de pissenlit, se prélasse sous la chaleur des rayons. Jusqu’au moment, oh surprise, où elle se découvre parée d’ailes. Elle peut alors s’envoler. La chenille est devenue un papillon. « Je vole enfin ! Vraiment haut, toujours plus haut ! » Après le magnifique album Qui suis-je ?, Maria Trolle offre là un autre ouvrage qui n’est pas destiné qu’aux jeunes enfants, tant les illustrations fantasmagoriques se laissent contempler et raviront parents, enseignants et autres passeurs de livres. Auteure-illustratrice, Maria Trolle livre une vision personnelle et magnifiée de la nature, avec des fleurs et des insectes qui incitent au rêve. Elle a signé d’autres livres, utilisant diverses techniques, le crayon, l’aquarelle, le numérique. Les éditions Rue du monde affirment que celui-ci, Plus haut, toujours plus haut ! n’est pas le dernier qu’elles publieront. Tous nos encouragements à continuer.

* Maria Trolle, Plus haut, toujours plus haut ! (Uppåt, uppåt !, 2019), adapt. Laurana Serres-Giardi, Rue du monde, 2021

 

L’Île du bonheur

L ile du bonheur

« Une jeune fille naviguait en pleine mer à bord d’un bateau de fortune. Elle se dirigeait vers l’horizon. » Née en 1964 à Uppsala, Marit Tornqvist vit aux Pays-Bas depuis l’âge de cinq ans. Maintes fois récompensée pour ses divers ouvrages à destination des jeunes lecteurs, on la connaît aussi pour ses illustrations de plusieurs titres de l’écrivaine Astrid Lindgren. À feuilleter les premières ages de L’Île du bonheur, on se dit qu’un format album aurait mieux convenu que celui retenu (17 X 14 cm). Mais très vite, on se convainc que ce format-là est idéal : parfait pour être transporté partout, dans la poche d’un manteau ou dans un cartable. Et c’est tant mieux car les illustrations sont tout bonnement splendides. « Mais l’horizon était loin. Plus loin qu’elle ne l’avait imaginé. » Des marins la renseignent ; quand les uns disent au sud, les autres disent au nord. Elle ne sait vers où se diriger jusqu’à apercevoir une pancarte en pleine mer : « L’île du Bonheur ». « Elle connaissait maintenant sa destination. » Mais le bonheur des uns ne fait pas nécessairement celui des autres, se rend-elle compte, passant d’île en île et découvrant que chacun a sa propre petite idée du bonheur. Nous ne dévoilerons pas la fin de ce court ouvrage, ce serait dommage, affirmons juste que la jeune fille finit par trouver le bonheur sur une île presque semblable aux autres à un détail près.

* Marit Törnqvist, L’Île du bonheur (Het gelukkige eiland, 2017), trad. du néerlandais Maurice Lomré, La Joie de lire (Philo et autres chemins), 2021