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Mais, qui conduit ce train ?

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C’est un petit monde cosmopolite que transporte ce train, « le plus rapide du monde ». Dans ses wagons, un chat, deux ours, une famille souris, un rhinocéros... « Tchou tchou ! Tuuut ! » Ce qu’il file vite, ne respectant pas les arrêts et au risque de dérailler ! « Qui donc conduit ainsi ? » On peut se le demander. Le conducteur ne laisse pas à l’escargot le temps de descendre sur le quai, ne ralentit pas lorsqu’une girafe s’engage au volant de sa voiture dans un passage à niveau... « Qui conduit ? Arrêtez-vous ! » Un peu d’indulgence, soufflera-t-on au lecteur, qui découvrira, surpris à coup sûr, que s’amuser au petit train n’est pas l’apanage des grands. Mais, qui conduit ce train ? : un bel album signé Ellen Karlsson (née en 1986, auteure et éditrice) et Monika Forsberg (illustratrice, que l’on connaissait déjà en France pour son album-documentaire pour les tout petits, Apprends un mot par jour), qui joue ici du crayon de couleur, de la gouache et du collage.

* Ellen Karlsson/Monika Forsberg, Mais, qui conduit ce train ? (trad. Marianne Ségol-Samoy), L’Étagère du bas, 2022

 

La Grande amie

La grande amie

« Le vœu le plus cher de Caio, c’était d’avoir une baleine bleue pour amie. » Mais les cétacés ne courent pas les rues, ni les vagues. Jusqu’au jour où la petite fille en aperçoit une, en pleine mer. Elle se précipite vers elle et lui exprime son désir, sans obtenir de réponse. Elle monte alors dans une barque et s’éloigne du rivage. Et là, « les vagues arrivèrent. Hautes et mouillées. » Caio ne sait pas nager, mais heureusement, la baleine lui vient en aide. Une belle histoire d’amitié, qui n’a pas besoin de beaucoup de paroles pour réunir les humains et les animaux. Réalisées à la gouache, les illustrations de cet album parviennent joliment à rendre les teintes du sable et de l’eau sur la plage et la baleine bleue s’installe parfaitement dans ce décor. Signé Ylva Karlsson (née en 1978) pour le texte et Eva Lindström (née en 1952, on trouve plusieurs albums d’elle traduits en français) pour les illustrations, La Grande amie est un bel album qui incitera les tout petits à rêver aux amitiés a priori impossibles.

* Ylva Karlsson/Eva Lindström, La Grande amie (Den Stora vännen, 2017), trad. Aude Pasquier, Le Cosmographe, 2020

 

Une Hérissonne bien sensible

Une herionne bien sensible

Une Hérissonne bien sensible est le troisième album de Ulrika Kestere que publient les excellentes éditions L’Étagère du bas, après Les Voisins sauvages (2018) et Un Pull pour Otto (2019). De nouveau, un livre qui devrait séduire tant les plus petits (« à partir de 3 ans ») que les plus grands, car plusieurs niveaux de lecture s’offrent là et les illustrations riches de détails et toujours empreintes de poésie sont remarquables. « ...Il y avait une ronce sur laquelle poussait la mûre la plus grosse du monde. Elle avait la taille d’une pomme ! » Quand une hérissonne la trouve, la voilà bien embarrassée. Comment la transporter sans l’abîmer ? Heureusement, les animaux de la forêt y vont de leurs conseils. Il faut la tenir comme ceci ou bien comme cela, la placer dans une brouette, en faire une photo... Cette mûre lui cause bien des tracas mais notre hérissonne n’est pas seule et finalement, quand amitié et solidarité se conjuguent, tout s’arrange et la dégustation peut commencer.

* Ulrika Kestere, Une Hérissonne bien sensible (Den känsliga igelkotten, 2019), trad. Marianne Ségol-Samoy, L’Étagère du bas, 2021

 

Un Pull pour Otto

Otto est un lémurien « en super forme » qui a entrepris de traverser à vélo une bonne partie du monde pour retrouver dans le Nord ses amis Nils, le petit ours, et Lisa, le lynx, qui vivent dans « une maison bleu myrtille avec de l’herbe sur le toit », et peindre des aurores boréales. Mais il a froid. Il n’est pas habitué à ce climat, lui qui vient du sud. Qu’à cela ne tienne, Lisa et Nils vont lui fabriquer un pull avec leurs propres poils. Et il le rapportera chez lui en guise de souvenir lorsque l’heure de partir sonnera. Cet album raconte une bien belle histoire, assortie d’illustrations magnifiques.

 

* Ulrika Kestere, Un Pull pour Otto (Ottos ulliga tröja, 2018), trad. Nils Ahl, L’Étagère du bas, 2019

 

Un Mystère pour les extraterrestres

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Les jeunes lecteurs français connaissent bien Rose Lagercrantz, dont plusieurs romans ont été publié notamment par l’École des loisirs ces dernières années. Celui-ci, Un Mystère pour les extraterrestres, saura les séduire une fois de plus avec son humour mâtiné d’aventures. Clementine Jonhsson, dite Abeille, le personnage principal, « quand elle sera grande, elle sera sûrement détective car elle est très douée pour résoudre les énigmes. Dans les romans policiers, elle devine presque tout de suite qui est le coupable. » Suite à la séparation de ses parents, la voici qui arrive à Stockholm (« l’endroit le plus beau, le plus vert et le plus agréable qui existe »), triste de quitter sa maison à la campagne, son cheval et son chat, et vite confrontée à une première énigme : qui a bien pu placer un « mystérieux collier de perles » dans son pupitre ? Quand le collier disparaît, une deuxième énigme la tracasse, d’autant que la mère de Fabian, dit « Andersson », affirme qu’il lui appartient et qu’elle aimerait le récupérer. Dans son journal intime, Abeille s’adresse aux extraterrestres, leur présentant les arcanes de la vie des humains. Pourraient-ils lui venir en aide ? Ou sa mère ? Sa mère revenue d’Angleterre ? Car « qu’y avait-il de plus important que de résoudre le mystère du collier de perles disparu ? »

* Rose Lagercrantz, Un Mystère pour les extraterrestres (Mysterium för utomjordingar, 2007), trad. Anna Lisbeth Marek, ill. Rebecka Lagercrantz, L’École des loisirs (Neuf), 2022

 

Finalement, c’était moi la plus heureuse

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Signé Rosa Lagercrantz et illustré par Eva Eriksson, ce petit roman, Finalement, c’était moi la plus heureuse, commence pour le mieux. Dunne, une fillette de CP, est « si heureuse qu’elle pourrait écrire un livre entier sur le bonheur ». Pour ce dernier jour de classe, une fête se prépare à l’école. Son papa viendra – juste son papa car Dunne n’a plus de maman, celle-ci est morte quand Dunne était toute petite. Hélas ! son papa se fait renverser par une auto alors qu’il part travailler à vélo. Dunne est très triste. Mais elle a ses grands-parents, elle a des amies aussi, surtout une, sa meilleure amie. Elle découvre que les événements les plus moches n’empêchent pas d’être heureux. Car il y a un temps pour tout, pourrait-on dire. Le temps d’être heureux, en dépit du malheur. C’est un texte fort, que signe encore une fois Rosa Lagercrantz.

* Rosa Lagercrantz/Eva Eriksson, Finalement, c’était moi la plus heureuse (Sist jag var som lyckligast, 2014), trad. Nils C. Ahl, L’École des loisirs (Mouche), 2016

Tout pour toi

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Faut-il tirer une morale de ce court roman de Rose Lagercrantz, illustré par Eva Eriksson, Tout pour toi ? (qui s’inscrit dans une série, après : Ma Vie heureuseMon Cœur raviet Finalement, c’était moi la plus heureuse, tous illustré par la talentueuse Eva Eriksson). Si oui, c’est qu’il n’est pas inutile de clore le bec aux enfants gâtés. Dunne et Ella Frida, deux excellentes copines, passent leurs vacances estivales sur une île, chez les parents d’Ella Frida. Le papa de Dunne a été renversé par une voiture, il est à l’hôpital. Quand il revient, marchant avec des béquilles, il présente Vera, sa nouvelle compagne. Mais Dunne ne l’entend pas de cette oreille et refuse de lui dire bonjour. « Les enfants, ça peut être difficile, parfois. » C’est le moins que l’on puisse dire, sauf qu’ici, Dunne continue de n’en faire qu’à sa tête, jusqu’à ce que son père lui propose de monter les chevaux islandais de Vera. Bien sûr, on peut dire qu’est proposée ici une façon sereine de résoudre les conflits : tout s’arrange (et tout s’achète), le papa conservera peut-être sa compagne, puisque Dunne, maintenant, ne s’y oppose plus. Mais il y a de quoi méditer !

* Rose Lagercrantz/Eva Eriksson, Tout pour toi(Livet enligt Dunne, 2015), trad. Nils C. Ahl, L’École des loisirs (Mouche), 2017

Mon plus beau cadeau

Si triste après la mort de sa femme, le papa de Dunne se rend en Italie, voir sa famille. La fillette, elle, séjourne chez ses grands-parents maternels pour les vacances d’hiver. Mais c’est bientôt l’anniversaire de sa meilleure amie, Ella Frida, neuf ans. « Dunne n’a jamais été aussi heureuse que lorsqu’elles ont été ensemble, toute la journée et toute la nuit, sans se quitter une seule minute. Enfin, seulement pour aller faire pipi. » Quel plus beau cadeau, que de la rejoindre pour l’occasion ? Elle ne sait pas que Kudden, l’un de ses camarades de classe, a sonné chez elle pour lui offrir une rose. Rouge, qui plus est. Elle ne sait pas non plus que l’anniversaire de Ella Frida, c’est un jour plus tard et que... Rien ne va se passer comme prévu. Avec Mon plus beau cadeau, Rose Lagercrantz signe un nouveau volume (le sixième) mettant en scène la jeune Dunne et sa copine Ella Frida. Les illustrations de Eva Eriksson sonnent encore juste, pour cette belle histoire absolument pas niaise.

 

* Rose Lagercrantz/Eva Eriksson, Mon plus beau cadeau (Lycklig den som Dunne får, 2018), L’École des loisirs (Mouche), 2020

 

La Légende de la Rose de Noël

La legende de la rose de noel

La Légende de la Rose de Noël, de Selma Lagerlöf, est un court texte ici agrémenté d’illustrations d’Adélaïde Lebrun (née en 1978, enseignante aux Beaux-Arts et illustratrice de plusieurs ouvrages pour la jeunesse). « Quand elle meurt en 1940, elle laisse une œuvre plus complexe qu’il n’y paraît », note l’éditeur dans sa page de présentation. Pour le moins. Connue surtout en France pour son livre aux vertus pédagogiques, Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, une commande du Ministère de l’éducation suédois, la première femme écrivaine à recevoir le prix Nobel de littérature (en 1909) n’était pas qu’une dame patronnesse bien pensante, image qui a été véhiculée après sa mort et a longtemps été prise pour argent comptant. Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson est un ouvrage fort bien construit, dont le caractère écologiste a été précurseur. On peut parler aussi à son égard de lutte contre la maltraitance animale. Lesbienne (sa compagne, Sophie Elkan, était pacifiste et féministe), Selma Lagerlöf n’en a jamais revendiqué ouvertement le titre, mais, par ailleurs luthérienne, elle a toujours œuvré pour les valeurs qui lui tenaient à cœur, toutes s’articulant autour de la tolérance, du respect, de l’amour pour autrui. De Gösta Berling à La Charrette fantôme, de L’Empereur du Portugal à Nils Holgersson (ces ouvrages ont tous eu différents titres dans leurs multiples éditions françaises), les livres de Selma Lagerlöf demeurent très lisibles. Aujourd’hui exhumé, ce court texte, La Légende de la Rose de Noël, est présenté sous forme d’un court volume richement illustré, donc, et doté d’un supplément consacré aux « peintres suédois ». En dépit du petit format, les toiles de Carl Larsson (dont le célèbre portrait de Selma Lagerlöf), de Per Gabriel Wickenberg, de Helmer Osslund (paysages de Laponie) et de Bruno Lillefors replacent bien l’œuvre de l’écrivaine dans son contexte, celui d’un monde, pour qui voulait le voir ainsi, empli de merveilleux. « La femme du brigand, qui habitait la caverne, là-haut (…), s’était, un beau jour, mise en route vers la plaine pour mendier. » Derrière elle, ses cinq enfants, « tous munis de vêtements de peau et de chaussures en écorces de bouleau... » Dans les fermes, personne n’ose lui refuser l’aumône, craignant de susciter sa colère et de voir le domaine s’enflammer une nuit prochaine. L’abbé Hans, qui règne sur un vaste jardin, lui permet de le visiter. Elle explique alors que la nuit de Noël, la forêt au sein de laquelle elle vit avec son brigand de mari et leurs enfants, « revêt sa parure de gala ». L’ecclésiastique demande à aller voir. « ...L’abbé Hans s’aperçut que la neige disparaissait du sol comme si on avait enlevé un tapis, et la terre commença à verdoyer. Les fougères firent saillir leurs pousses, enroulées comme des crosses d’évêques. La bruyère de la colline et le myrte bâtard du marais se revêtirent vivement d’une parure vert clair. Les touffes de mousse grossirent et s’élevèrent, et les fleurs printanières poussèrent des boutons vigoureux déjà striés de couleurs ». Ne reste plus qu’à cueillir une rose de Noël, cette hellébore présentée en quelques pages à la fin de l’ouvrage. Un beau texte, un beau petit livre.

* Selma Lagerlöf, La Légende de la Rose de Noël (texte établi à partir de l’édition de 1910), trad. du suédois Fritiof Palmér), illustrations Adélaïde Lebrun, éditions 2, 3 choses (La Buissonnière), 2023

Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson

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« Parfois indélicat envers les hommes, Nils éprouvait aussi un malin plaisir à être cruel envers les animaux : il tirait la queue du chat, donnait des coups de pieds aux poules et chassait les papillons. La veille, il avait même mis une guêpe... dans l’oreille d’une vache ! » C’est toujours un plaisir de se replonger dans ce classique de la littérature suédoise, Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, ici adapté par Sophie Bresc-Litzler et illustré par le belge René de Pauw (1887-1946), dont les planches ont été restaurées. Le roman de Selma Lagerlöf est proposé aux enfants « dès 9 ans » dans une version d’une grosse centaine de pages – contre plus de cinq cents pour l’intégrale – avec un livre-audio et une vidéo de lecture accessibles sur le site de l’éditeur. Résumer ou adapter un texte tel que celui-ci est souvent un exercice périlleux, mais les éditions Scudéry s’en sortent plutôt bien, jouant sur la bichromie des illustrations (un plus grand format les aurait peut-être plus mises en valeur mais le roman s’inscrit ici dans une collection, « lecture suivie ») : noir et vert, souvent, ou noir et bleu ou noir et orange... Ce volume devrait plaire aux jeunes lecteurs – qui pourront toujours, par la suite, se plonger dans la version intégrale du chef d’œuvre de la première femme lauréate du Prix Nobel de littérature (1909), aujourd’hui disponible en français. Les thèmes liés à la protection de la nature et au respect de la vue animale ne manquent pas de pertinence. Un roman qui traverse allègrement les générations.

* Selma Lagerlöf, Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède (Nils Holgerssons underbara resa genom Sverige, 1909), adapt. Sophie Bresc-Litzler ; ill. René de Pauw, Scudéry (Lecture suivie n°4), 2021

 

 

Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède

S’il y a bien un livre qui ne se démode pas, c’est celui-ci, Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède. En France, les éditions de ce classique de Selma Lagerlöf se succèdent. L’intérêt pour les questions écologiques, avec notamment la voix de Greta Thunberg, compatriote de l’auteure, n’y est peut-être pas tout à fait étranger. Car ce livre est une ode à la nature – en danger, à préserver. Au travers de l’histoire de ce brigand de Nils, c’est une vision de la Suède et, plus largement, du monde qui se déploie là. « Plus on met de choses dans une tête, plus elle peut en contenir », rappelle Selma Lagerlöf. Dans la nouvelle version abrégée publiée par les éditions Albin Michel, l’illustrateur Yvan Duque affiche tout son talent. Dessins à la gouache très colorés, paysages pleine page (souvent vus du ciel), soucis des détails... Et de magnifiques têtes de chapitres avec des motifs répétés (cf. le V, le VII, le XI, le XV, le XIX, etc.). Sans doute l’une des plus belles versions françaises de cette histoire.

 

* Selma Lagerlöf, Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède (Nils Holgerssons underbara resa genom Sverige, 1909), trad. abrégée Agneta Ségol et Pascale Brick-Aïda, illustrations Yvan Duque, Albin Michel, 2019

Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède

Deux versions, parmi d’autres, du classique de Selma Lagerlöf, Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, sont disponibles : la première, chez Flammarion, une traduction signée Agneta Ségol et Pascale Brick-Aïda, est courte (une grosse centaine de pages) et comporte un appareil explicatif. La seconde, une traduction remaniée et abrégée par Boris Moissard, à l’École des loisirs, respecte plus l’original. Comparer ces deux versions n’est pas sans intérêt. Sans doute la dernière s’adresse-t-elle aux plus grands. Pour découvrir et redécouvrir la Suède...

 

* Selma Lagerlöf, Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède (Nils Holgerssons underbara resa genom Sverige, 1909), trad. Agneta Ségol et Pascale Brick-Aïda, illustrations Michel Boucher, Flammarion (Jeunesse), 2019

* Selma Lagerlöf, Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède (Nils Holgerssons underbara resa genom Sverige, 1909), traduction remaniée et abrégée par Boris Moissard, L’École des loisirs (Classiques, texte abrégé), 2019

Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède

On ne présente plus ce livre de Selma Lagerlöf, Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède. Le voici aujourd’hui publié et adapté (sensiblement élagué) par Marc Séassau, avec des illustrations d’Éric Puybaret (né en 1976) qui mettent en avant l’aspect fantastique et onirique du récit. Le graphisme épouse bien cette complicité que l’auteure entretient avec nos frères et sœurs à plumes, à poils et à écailles. Nils Holgersson est confronté aux « usines malodorantes » et au « danger des armes à feu ». Êtres humains et animaux vivent dans un même monde, la vie des uns dépend de celle des autres, Selma Lagerlöf a su le montrer alors que ce sujet n’était pas dans l’air du temps lors de la parution initiale du livre – en 1909. Amitié et solidarité sont deux valeurs fortes de ce « voyage » en direction d’un pays « où la souffrance n’existe pas ». L’un des plus beaux classiques de la littérature pour enfants.

 

* Selma Lagerlöf, Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède (adaptation Marc Séassau ; illustrations Éric Puybaret), Lito, 2019

Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède

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On ne voit pas trop l’intérêt, pour les éditions La République des lettres, de rééditer cette traduction de Thekla Hammar du célèbre roman de Selma Lagerlöf, Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède (Perrin, 1912), quand il en existe d’autres versions disponibles en français. Lesquelles sont, par ailleurs, souvent des adaptations agrémentées d’illustrations, sous formes d’albums. La traduction chez Actes sud (signée Marc de Gouvenain et Lena Grumbach), parue en 1990, fait aujourd’hui référence, notamment parce qu’elle restitue les chapitres non retenus initialement en français. Alors ? Quota de papier à imprimer pour alourdir le bilan carbone ?

* Selma Lagerlöf, Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, La République des lettres, 2023

Pax

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Pax : signée Åsa Larsson et Ingella Korsell et illustrée par Henrik Jonsson, cette série compte aujourd’hui trois volumes en français (un quatrième est annoncé). Située dans la petite ville de Mariefred (à l’ouest de Södertälje), elle relate les aventures de Viggo et d’Alrik, deux frères adolescents placés dans une famille d’accueil, qui vont devoir recourir à la magie pour défendre des savoirs conservés dans une bibliothèque et convoités par divers êtres malfaisants : « À mort la mort ! »

 

* Åsa Larsson et Ingella Korsell, Pax(1/Les Ténèbres avancent, 2/Le Grimm rôde, 3/Le Myling frappe), (Nidstången, 2014 ; Grimmen, 2014 ; Mylingen, 2015), trad. Esther Sermage, ill. Henrik Jonsson, Slalom, 2016-2017

Seule

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Malika part en vacances en Suède avec ses parents. Avion, puis route en 4X4, direction le parc national d’Abisko, en Laponie. Mais soudain, c’est l’accident et le véhicule tombe dans un ravin. Seule survivante, apparemment : Malika, une adolescente. Elle a perdu en partie la mémoire et se retrouve à errer dans une immense forêt, par une température de - 20C°. Comment survivre ? Un lynx menace de l’attaquer, puis un glouton. Heureusement, un Lapon vient à son secours. Seule, de la Française Nathalie Le Gendre (née en 1970 et auteure de plusieurs ouvrages de SF), est un court roman utilisant le cadre somptueux de la Laponie comme décor. « Et puis, il y a sa rencontre avec le Sámi. Comme elle l’envie d’évoluer dans ce monde où elle rêverait de vivre une fois adulte ! La chasse, la nature, les rennes, l’air pur et le grand froid au quotidien ! » Conclusion bien optimiste, alors que Malika doit se faire amputer d’un pied après avoir failli mourir de froid. Mais pourquoi pas ? Un roman pour partir à la découverte de la dernière région sauvage d’Europe.


 

* Nathalie Le Gendre, Seule, Oskar (Polar/Suspense), 2017




 

Des Chiens et des frites

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Si, en tant qu’adulte, vous lisez ce livre à de jeunes enfants et songez dans le même temps qu’il vous fait penser à... à l’une ou l’autre de ces histoires qui font en ce moment la une de l’actualité, peut-être n’est-ce pas fortuit. Signé Pija Lindenbaum (née en 1955, à Sundsvall), Des Chiens et des frites évoque assez directement le sort des migrants aujourd’hui dans les pays européens. Bien sûr, il n’est ici pas question de navires emplis de migrants empêchés d’accoster dans tel ou tel port, mais de chiens qui n’ont plus à manger parce que la sécheresse qui sévit dans leur pays a détruit les plantations de pommes de terre. Les voici obligé de monter sur un bateau et de ramer jusqu’à « la plage d’un autre pays », où vivent des caniches. La solidarité se mettra-t-elle en œuvre pour le bonheur de tous ? Un album coloré, qui force à réfléchir.

 

* Pija Lindenbaum, Des Chiens et des frites (Pudlar och pommes, 2016), trad. Maria Valera, Cambourakis, 2018

 

Nous, les enfants de l’archipel

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Signé Astrid Lindgren (1907-2002), ce roman, Nous, les enfants de l’archipel, est extrêmement connu en Suède. Comme Les Frères Cœur-de-Lion, Mio, mon Mio, Rasmus et le vagabond ou encore Pippi Långstrump/Fifi Brindacier, il conjugue rien moins qu’impertinence, sensibilité, intelligence, et n’avait pas encore été traduit en français. Tout d’abord, notons que c’est un très joli livre que nous proposent là les éditions de l’École des loisirs. Relié, et excellemment illustré en couleur par Kitty Crowther. Un cadeau à faire à tous les enfants qui aiment lire, disons de huit à douze ans, ou plus, bien plus puisque les adultes ne s’ennuieront pas s’ils plongent dans ses pages, ce n’est jamais gnangnan. À bord du Saltkråkan qui fait la navette entre les multiples petites îles de l’archipel de Stockholm, « un papa et ses quatre enfants, les Melkerson, des Stockholmois » : Malin la fille de dix-neuf ans dont rêvent les jeunes hommes, plus Johan et Niklas, une douzaine d’années chacun, et Pelle, sept ans. « On vit dangereusement quand on a sept ans. Dans le pays de l’enfance, dans ce pays secret et sauvage, on peut frôler les pires périls et considérer que ce n’est rien de spécial. » Melker et ses enfants gagnent donc l’île du Cormoran pour y passer leurs vacances. Leur location n’est pas des plus luxueuses, le toit de la maison, dite la Maison du Menuisier, a des fuites, les pièces sentent le moisi, mais le paradis s’accommode de ces petits inconvénients. « ...Il faudrait que tous les jours soient un soir de juin, rêveur et calme comme celui-ci. » Des enfants habitent à proximité et tous ont vite fait de sympathiser, des animaux (un chien, un mouton, un corbeau, un... phoque) les accompagnent. Ces vacances seront inoubliables. « ...C’est tellement triste d’être triste, on ne peut pas le supporter pour toujours », dit Pelle, plein de sagesse. Écrivain quelque peu en panne d’inspiration, Melker est veuf depuis la naissance de Pelle. Sa philosophie de la vie peut être qualifiée d’avant-gardiste (comme celle d’Astrid Lindgren) : « ...Il faut vivre ce jour comme si l’on n’avait que ce jour-là. Il faut saisir chaque instant et sentir que l’on vit vraiment. » Ces vacances sur cette île, espère-t-il, permettront à la famille de souffler, de se retrouver. Au point que l’été passé, tous reviennent pour les vacances de Noël, puis celles de printemps. Un beau rêve, jusqu’à ce que la réalité fasse irruption. La maison est en location à l’année, c’est, croient-ils, quasiment comme si elle leur appartenait. Mais le responsable de l’agence immobilière surgit avec un potentiel acheteur ! « Je suis un écrivain raté ! », se dit alors Melker, s’apercevant de sa pauvreté. « Pourquoi est-ce que je ne suis pas devenu chef de service quelque part ? Là, nous aurions peut-être les moyens d’acheter la Maison du Menuisier. » Argent, pouvoir, rapport de classes... Par la voix de cet homme, Astrid Lindgren ne tait pas les soucis de l’existence : « ...J’ai voulu vous donner tout ce qu’il y a de beau, de drôle et de merveilleux dans la vie », dit Melker à ses enfants, se heurtant à la réalité – qui est très simple à comprendre : il y a ceux qui ont de l’argent et ceux qui n’en ont pas. Ce n’est pas la première fois que Kitty Crowther illustre un texte de l’auteure suédoise : souvenons-nous du magnifique album Lutin veille (chez le même éditeur). L’illustratrice (née en 1970 d’une mère suédoise et d’un père anglais, lauréate en 2010 de l’ALMA, équivalent du prix Nobel de littérature en jeunesse) restitue pour le mieux le charme de la campagne suédoise et l’humour malicieux, toujours un brin subversif, d’Astrid Lindgren – qui pétille dans les yeux des personnages. « Que ne pouvait-on attendre d’une journée qui commençait ainsi, par les rires heureux d’un petit garçon, et par un temps aussi merveilleux ? » Nous, les enfants de l’archipel est évidemment un classique, à lire et à faire lire.

* Astrid Lindgren, Nous, les enfants de l’archipel (Vi på Saltkråkan, 1964), illustrations Kitty Crowther, trad. Alain Gnaedig, L’École des loisirs, 2022

 

Le Renard et le lutin

Adaptant un poème de Karl-Erik Forsslund (1872-1941), Astrid Lindgren a fait un conte, qu’elle a d’abord signé de son seul nom. L’illustratrice Kitty Crowther l’avait repris à sa façon : Lutin veille (L’École des loisirs, 2012). Aujourd’hui, toujours à L’École des loisirs, il paraît sous le nom d’Astrid Lindgren (et d’Eva Eriksson, pour les illustrations, et d’Alain Gnaedig pour l’excellente traduction) : Le Renard et le lutin. Quand un tomte s’aventure dans une ferme, la nuit... : « Tous les soirs, les enfants de la ferme préparent de la bouillie pour le lutin. Ils ne l’ont jamais vu, mais ils savent qu’il est là. Et, tous les soirs, ils remplissent de bouillie son bol près de l’étable. » Pour rêver en toute sérénité.

 

* Astrid Lindgren, Le Renard et le lutin (Räven och tomten, 1965), illustrations Eva Eriksson, trad. Alain Gnaedig, L’École des loisirs, 2018

 

 

Fifi Brindacier

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On connaît beaucoup plus le personnage de Fifi Brindacier, en France, que sa mère, l’écrivaine suédoise Astrid Lindgren (1907-2002). Celle-ci a pourtant signé de magnifiques livres destinés plutôt à la jeunesse, des aventures initiatiques souvent, disponibles en collections de poche (Mio, mon Mio ; Les Frères Cœur-de-Lion ; Ranya, fille de brigand…) Initialement publiées en France, dans les années 1950 et ensuite, dans une version adaptée et tronquée, les aventures de Fifi Brindacier ont heureusement, en 1995, été retraduites intégralement par Alain Gnaedig pour Le Livre de poche. À l’occasion du soixante-dixième anniversaire de leur première publication, elles sont aujourd’hui éditées dans la version illustrée de Ingrid Vang Nyman (1916-1959), telles que les enfants suédois les connaissent. Publiées à partir de la fin des années 1950, aujourd’hui re-colorisées, ces courtes histoires – quatre pages chacune – pleines de malice et d’humour ne sont pas destinées qu’aux enfants. Le trait de Ingrid Vang Nyman est très reconnaissable et séduit aussitôt. Rappelons que Fifi vit seule dans la Villa Drôlederepos (Villa Villekulla), car sa mère est au ciel et son père, lui, navigue dans les mers du sud, où il exerce la profession de Roi des cannibales. Il veille sur sa fille, de loin, en lui fournissant de temps à autre une malle remplie de pièces d’or, que des brigands tentent de dérober. Elle ne va pas à l’école, se couche à l’heure qu’elle veut, a pour compagnons un singe, M. Nilsson, et un cheval, Oncle Alfred, qu’elle est capable de soulever à bout de bras car elle est la fille la plus forte du monde… Elle ne supporte pas que l’on maltraite les animaux (il existe aujourd’hui en Suède une loi de protection des animaux à l’initiative d’Astrid Lindgren)… Et ainsi de suite ! « C’est mieux pour un enfant de mener une vie bien réglée. Surtout quand il peut la régler lui-même. » Ridiculisant sans cesse les adultes (« Fifi ne veut pas grandir ») et notamment ceux qui représentent l’autorité, bourrée d’irrévérence et d’impertinence (ou, à vrai dire, de pertinence), les histoires de Fifi Brindacier sonnent étrangement dans notre monde en proie à l’intolérance et au manque flagrant d’humour. Comme nous avons pu dire « Je suis Charlie » en janvier 2015, affirmons ici avec non moins de force, car le message est au fond assez semblable, « Je suis Fifi » !

Rappelons qu’une nouvelle version de L’Intégrale Fifi Brindacier vient de voir le jour (trad. Alain Gnaedig, Hachette, 2015).

(Pour qui voudrait en savoir plus sur Astrid Lindgren, permettons-nous de suggérer la lecture de notre livre, Thierry Maricourt, À propos d’une vieille dame facétieuse nommée Astrid Lindgren, L’Élan, 2014, biographie de l’écrivaine au travers de ses personnages.)

« Si Fifi Brindacier se lassait de vivre, comment s’y prendrait-elle ? En tout cas, elle agirait seule. Elle se paierait une cuite éternelle avec les chevaux et les singes de ce monde, se droguerait jusqu’au point de non-retour. Non, pas Fifi, bien sûr que non. Avec son or, elle achèterait un oiseau bleu à hélices, spécialement conçu pour un voyage vers l’au-delà. Elle nourrirait l’oiseau de crêpes et de sirop de sucre, puis elle s’envolerait en pleine nuit, sans laisser de traces… » (Soffía Bjarnadóttir, J’ai toujours ton cœur avec moi, Zulma, 2015)

Lotta sait tout faire

Lotta sait tout faire

 

Ce volume reprend trois histoires de Lotta publiées en Suède entre 1971 et 1990. Astrid Lindgren excelle comme à son habitude dans les portraits d’enfants farfelus qui n’en font qu’à leur tête. Lotta sait tout faire nous présente une fillette qui pourrait être la petite sœur de Fifi Brindacier. Dans la première histoire, Lotta s’efforce de montrer qu’elle n’est « pas tout le temps en colère » : « Bien sûr que Lotta sait être joyeuse ! » même si elle découvre que le Père Noël... n’est peut-être que son papa (Astrid Lindgren ne prend jamais les enfants pour des niais). Dans la deuxième, « Bien sûr que Lotta sait faire du vélo ! », même si ses parents, pour son cinquième anniversaire, ont oublié de lui en offrir un, estimant qu’elle est encore trop petite. Enfin, dans la troisième, « Bien sûr que Lotta sait presque tout faire », même... « aider les gens qui sont malades » et « dénicher un sapin, et j’en passe » : « elle n’en revenait pas elle-même de voir à quel point elle était douée pour tout ». Puisque la dérision ne se décline qu’avec l’auto-dérision... ! Remarquons les superbes illustrations de Beatrice Alemagna (née en 1973), auteure et illustratrice récompensée, à juste titre, un grand nombre de fois pour ses nombreux albums. Lotta sait tout faire est vraiment l’album à offrir pour enchanter les jeunes enfants et leurs parents-lecteurs.

* Astrid Lindgren, Lotta sait tout faire (Visst är Lotta en glad unge, 1971 ; Visst kan Lotta cykla, 1977 ; Visst kan Lotta nästan allting, 1990), trad. Aude Pasquier ; ill. Beatrice Alemagna, Versant sud (Jeunesse), 2020

 

Lotta la filoute

Jonas, Maria et Lotta sont trois enfants d’une même famille, qui habitent avec leurs parents une maison jaune rue des Fileurs, dans une petite ville de Suède. Lotta, la cadette, est une drôle de petite fille qui s’imagine qu’en s’asseyant sur un tas de fumier, sous la pluie, elle va grandir jusqu’à rattraper son frère et sa sœur. Publiées initialement en deux volumes en Suède, en 1958 et en 1961, à la suite d’une commande de l’éditeur, ces histoires s’insèrent parfaitement dans l’imaginaire enfantin d’Astrid Lindgren, aux côtés de Pippi/Fifi, bien sûr, de Karlsson et des autres personnages plutôt destinés aux tout jeunes lecteurs. Les illustrations de Beatrice Alemagna (née en 1973) sont très belles. Différentes du travail réalisé naguère par Ilon Wikland. Elles extraient le texte d’Astrid Lindgren du paysage suédois, elles l’actualisent. Mais la petite Lotta reste la petite Lotta : une fillette d’« un tout petit peu plus de quatre ans », impertinente, qui entend n’en faire qu’à sa tête quitte à découper un pull avec des ciseaux et à déménager dans le grenier de la voisine. Un beau livre.

 

* Astrid Lindgren, Lotta la filoute (Barnen på Bråkmakargatan/Lotta på Bråkmakargatan, 1958, 1961), trad. Aude Pasquier ; ill. Beatrice Alemagna, Versant sud, 2019

Ronja fille de brigand

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Le roman d’Astrid Lindgren, Ronya, fille de brigand (Ronja rövardotter, 1981) a été publié en France en 1984 (trad. Brigitte Duval et Agnéta Ségol, Le Livre de poche). C’est l’adaptation par le Studio Ghibli pour une série télévisée éponyme qui est publiée aujourd’hui par les éditions Nobi Nobi. Le graphisme et le petit format de ce volume évoquent l’univers des mangas. L’histoire a subi quelques changements, elle a été raccourcie, mais elle est respectée dans ses grandes lignes. Quel beau texte, servi par des illustrations qui servent bien les personnages (ces deux enfants et leurs parents, brigands et ennemis irréconciliables) et le décor (la montagne escarpée, la forêt, les lacs). Facile d’imaginer un enfant de huit ou dix ans tenir le volume entre ses deux mains et, le nez plongé dans ses pages, vivre une belle aventure avec Ronja et ses parents, Mattis et Lovise, et Birk et les siens, Borka et Undis, dans un monde peuplé de sylves griffues, de nains gris et de trolls des ténèbres. Unis par un puissant sentiment de fraternité, Ronja et Birk apprennent que la guerre n’est pas une fatalité, que l’intelligence et la solidarité peuvent en venir à bout. À conseiller mille fois.

* Astrid Lindgren, Ronja fille de brigand (trad. Valérie Drouet ; d’après la série animée du Studio Ghibli), Nobi nobi, 2021

 

La Promenade du chat

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Dans les albums pour les jeunes enfants, comme celui-ci de Sara Lundberg (qui avait déjà publié, il y a peu de temps, Une Maman si pressée), La Promenade du chat, le lecteur adulte entre d’abord par les illustrations. Elles le happent ou non. « On part en promenade, mon chat et moi. C’est moi qui décide. » Je décide – bien évidemment ! Enfant ou adulte, on croit toujours imposer son avis à un chat, jusqu’au moment où l’on s’aperçoit que, bien subtilement, c’est lui qui commande. Ne serait-ce pas le chat qui a domestiqué l’homme, s’interrogent certains. La question est posée dans ce livre. « Il finit par demander : - Pourquoi c’est toujours toi qui décides ? » Alors, seconde partie de l’histoire, « on inverse les rôles » La promenade quitte la ville pour la forêt, où le chat veut tout humer et grimper sur les branches. L’enfant est moins à l’aise. Il a froid, il a peur. Jusqu’au moment où il ouvre les yeux et... N’en disons pas plus, la triple page illustrée est magnifique ! On y plonge, on s’y perd. La Promenade du chat, un album à partir de quatre ou cinq ans jusqu’à... plus d’âge.

* Sara Lundberg, La Promenade du chat (Kattpromenaden, 2023), trad. du suédois Jean-Baptiste Coursaud, Seuil (Jeunesse), 2024

Une Maman si pressée

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À feuilleter et à lire certains albums destinés aux très jeunes enfants, on peut avoir l’impression de littéralement plonger dans un monde qui est le nôtre sans l’être tout à fait. Ainsi, avec Une Maman si pressée de Sara Lundberg. Âgé de sept ou de huit ans, Noa serait bien resté encore un moment dans son lit, mais sa mère lui demande de se dépêcher. C’est bientôt l’anniversaire d’Alma, la camarade de classe de Noa, et elle a l’intention de lui faire un petit cadeau. « Maman a des gestes aussi saccadés qu’un robot quand elle est pressée. Elle tournicote dans tous les sens, un vrai remue-ménage ! » Il est bien obligé de la suivre dans les magasins et de porter ses sacs jusque dans le bus. Hélas, il les oublie partout ! Après l’histoire proprement dite, Sara Lundberg (née en 1971, auteure d’une trentaine de livres dont L’Oiseau en moi vole où il veut et Plongée dans l’été) en propose une autre, dans des teintes grises, celle du diadème perdu, que Noa et sa maman souhaitaient offrir à Alma. Qui va s’en emparer ? Superbe album, qui traite de la vie quotidienne d’une famille monoparentale – ici une maman, mais ce pourrait être un papa.

* Sara Lundberg, Une Maman si pressée (Glömdagen, 2021), trad. Jean-Baptiste Coursaud, Seuil (Jeunesse), 2023

Le Jazz de la vie

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Enfin un roman pour ado qui ne prend pas ses lecteurs-lectrices pour des nunuches : Le Jazz de la vie. D’origine cubaine par son père, Steffi est une adolescente qui vit à Björke, dans le Värmland, aujourd’hui, avec ses parents, sa sœur aînée et son frère cadet. Plus raisonnable que les enfants de son âge, elle est en butte à ses camarades de classe parce qu’elle est « différente ». Des filles la traitent de « puanteur », de « grosse » ou de « pute » et elle ne se défend pas. « ...La Steffi qu’on traite de moche et d’immonde au collège est une chimère, une invention complètement bidon, un mensonge. » Mais heureusement, elle développe une deuxième vie. Que ses camarades ne soupçonnent d’abord pas. Elle aime la musique et souhaite en faire sa profession, plus tard. Un peu par hasard, elle fait un jour la connaissance d’un vieux bonhomme qui a été musicien de jazz. Alva « p’tit gars » Svensson eut son heure de gloire pendant et après la Deuxième Guerre mondiale. Il vit aujourd’hui dans une maison de retraite et ne demande rien mieux que d’initier la jeune fille, une vraie « zazoue », aux mystères de cette musique qui swingue et qui a représenté pour beaucoup, alors, une liberté venue d’Outre-Atlantique. Sara Lövestam a décidément beaucoup de cordes à son arc. Après des romans disons classiques (et notamment l’excellent En route vers toi), des policiers (Chacun sa véritéÇa ne coûte rien de demander), elle s’adresse aujourd’hui à la jeunesse. Comme précédemment, ses personnages sont en décalage avec leurs contemporains. Ils cherchent une vérité qui n’appartient qu’à eux et qu’ils doivent défendre face à la bêtise. Comme d’habitude, Sara Lövestam signe un hymne à la tolérance. L’un des grands noms de la littérature suédoise d’aujourd’hui.

 

* Sara Lövestam, Le Jazz de la vie(Hjärta av jazz, 2013), trad. Esther Sermage, Gallimard (Jeunesse), 2018

 

Olli et Ma

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Grâce aux éditions Cambourakis, voici qu’enfin les albums de Eva Lindström sont traduits en français. Plusieurs titres, déjà, dont celui-ci : Olli et Ma, avec un humour particulier, à différents degrés. « Ma démarre la voiture. Elle enfonce l’accélérateur, et ils partent sur les chapeaux de rue. ‘Où sommes-nous ?’ s’écrie-t-elle au bout d’un moment. Olli consulte l’atlas. ‘On va bientôt sortir de la page trois.’ » Toute la gamme des couleurs est ici utilisée pour cet album destiné aux jeunes enfants, mais que les adultes apprécieront également.

* Eva Lindström, Olli et Ma(Olli och Mo, 2012), trad. Aude Pasquier, Cambourakis, 2014

Tout le monde s’en va

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Bonne idée, qu’ont les éditions Cambourakis, de publier les albums de Eva Lindström (née en 1952). Après Olli et MaJ’aime pas l’eau et Et on est devenus amis, voici Tout le monde s’en va. Illustratrice et réalisatrice de films d’animation pour enfants (Les Amis animaux, 2014), Eva Lindström aime jouer avec les différents angles de vue possibles, permettant aux lecteurs de pénétrer, sans presque s’en rendre compte, dans ses histoires. Un univers propre, coutumier et néanmoins décalé, avec des êtres humains plutôt bizarres. Réalisées à l’aquarelle, à la gouache et aux crayons de couleurs, les illustrations paraissent simples et leur complexité vient progressivement, quand le décor et les personnages s’animent de concert. Dans Tout le monde s’en va, le lecteur découvrira comment combattre la solitude grâce à la confiture de larmes… ! Peu de pages, peu de mots et pas mal déstabilisant, pourtant.

 

* Eva Lindström, Tout le monde s’en va (Alla går iväg, 2015), trad. Aude Pasquier, Cambourakis, 2016