Romans, littérature

Sam

Sam est partie depuis cinq mois, Jerry ignore où elle se trouve, il élève seul maintenant leur enfant, Tobias, cinq ans. Un jour, il décide d’aller tout au nord de la Norvège, où elle vit désormais, croit-il. « Pourquoi elle est partie, maman ? » ne cesse de demander Tobias. Jerry ne répond pas, il ne sait pas, il conduit sa vieille Honda Civic dans un « pays nu et splendide » dont il ignore tout. « ...Je ne savais rien de la taïga, ni des bêtes qui la peuplent, ni des aurores boréales, ni du Grand Nord, ni de rien. » Adulte-ado qui, six mois après, ne se remet toujours pas d’avoir été quitté par son grand amour, Jerry pleurniche sans larmes. Ou avec, selon les moments. Des personnages fantasques apparaissent, comme un certain « cinglé », Walt Whitman. Tobias disparaît dans un torrent et voilà que son père entame sa recherche. Dans une Norvège sauvage, avec ours et élans en nombre, le narrateur se joue de la réalité pour entraîner le lecteur dans son propre délire. Sam est un road-movie qui lasse vite. Il se passe en Laponie – mais sinon ? Le narrateur n’est pas tout à fait antipathique – juste trop, beaucoup trop volubile.

 

* Christophe Ghislain, Sam, Albin Michel, 2019

 

Le Cartographe des Indes boréales

Quel livre dense et passionnant, que ce roman d’Olivier Truc, Le Cartographe des Indes boréales. 1628 : Izko Detcheverry et son père Paskoal, pêcheurs au harpon, ont quitté Saint-Jean-de-Luz pour Stockholm, où ils voient le Vasa, « majestueux et terrible » navire, sombrer dans les eaux du Mälaren. « La plus grande catastrophe de tous les temps en Suède, la malédiction suprême, la punition divine ! » Izko est mousse, il finit par rentrer au pays. Là, pris en charge, si l’on peut dire, par un inquisiteur, il se retrouve au Portugal et assiste aux traitements inhumains dont sont victimes les « négresses », avant d’être envoyé de nouveau en Suède, comme espion au service des intérêts français. Le gouvernement suédois a découvert des mines d’argent en Laponie et souhaite les exploiter. L’aide du cartographe, puisque le jeune Izko l’est devenu, et ce doté d’une bonne réputation, est requise. L’art d’un cartographe ? « Enfermer la nature insondable et grandiose dans un cadre connu, mesurable, contrôlable. Amener la nature aux pieds du souverain. » Comme il le découvre bientôt, « une carte en dit plus sur celui qui la commande que sur la réalité ». La Suède est luthérienne, il est catholique, mais qu’importe ; s’occuper de la jeune Kristina, qui se fera bientôt un prénom dans toute l’Europe, fait même partie, un moment, de ses attributions. Puis il accompagne une expédition à la limite de la frontière alors dano-norvégienne et découvre le sort réservé aux Lapons, considérés comme des sauvages. À Nasafjäll, dans une zone montagneuse quasi-désertique, l’extraction commence. L’intrigue entraîne Izko du Pays Basque à Stockholm, de Piteå à Amsterdam. Piètre héros, à vrai dire, ce Izko au courage fourvoyé, qui pour sauver ses parents, une inconnue, un ami, la femme qu’il aime, etc., se plie à toutes les exigences des despotes agissant au nom de Dieu. Finalement, s’indigne-t-on, pour préserver ses propres intérêts (qu’il nomme amour ou camaraderie, ainsi ils sont au-dessus de tout et justifient ses actes), il est prêt à toutes les bassesses : participer passivement (cf. les « négresses ») ou activement (destruction des campements lapons) aux saloperies de ses contemporains. Il ne fait quasiment usage de sa force qu’à l’encontre des Lapons, dont il se sent proche, lorsque ceux-ci se rebellent. Ses ennemis (de Pierre de Lancre à Pontanus), eux, agissent au moins par croyances. Jouant avec une vision très ancrée dans le XVIIe siècle et étonnamment, parfois, très actuelle (cette propagande, ancêtre des fake-news, imaginée par les Néerlandais pour que les paysans suédois n’investissent pas la Laponie !), Olivier Truc se livre presque à un travail d’ethnologue, tant il décrit avec précision les mœurs des Lapons de l’époque (et celle des Suédois et autres colons par la même occasion). Rappelons que la violente oppression de cette population plus pacifique qu’aucune autre s’est poursuivie jusqu’au milieu du XXe siècle. Un roman sur la lâcheté, la trahison et l’amour, comme il en paraît peu chaque année, une grande œuvre.

 

* Olivier Truc, Le Cartographe des Indes boréales, Métailié, 2019

Contes et légendes

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Signalons, aux éditions Flies France, dans la collection « Aux origines du monde », un titre consacré aux Contes et légendes de Laponie (trad. Michèle Simonsen ; illustrations Baptiste Hersoc ; 2014), agrémenté d’une courte mais intéressante introduction : « Le climat de la Laponie est très rigoureux, l’hiver long, et le soleil ne se montre pas pendant plus de deux mois. Il n’est donc pas étonnant que la nature et les animaux jouent un grand rôle dans la vie et les récits sames. Les mythes enseignent le respect des forces de la nature. » Parce que l’homme et la nature sont indéfectiblement liés, réalité que les Sames ont longtemps conjuguée au quotidien… Les contes rassemblés ici proviennent des quatre pays sur lesquels s’étend la Laponie. Mélangeant « croyances traditionnelles et notions chrétiennes », leur sens est parfois énigmatique. Leur charme vient aussi de là.

(Ajoutons qu’il existe également un volume de Contes et légendes de Suède, traduit et préfacé par Elena Balzamo, Flies France, 2002.)

Revue Nordiques (automne 2015)

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Le trentième numéro de la revue Nordiques (automne 2015) s’intéresse plus particulièrement à la Laponie, autrement dit au pays same. Relevons des articles sur « le paysage culturel sami, de la phénoménologie à la poésie », le « naturum de Laponia : cultiver un nouveau regard sur la nature et sa conservation » ou encore à propos des « perspectives écologiques sur les langues minoritaires ». À noter également l’interview de Jan Myrdal, « Jouer une autre musique : l’intellectuel et le pouvoir ».