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Attends-toi au pire

Au milieu des années 1960, Matti et Beata Aalto émigrent en Suède. Ils s’appeleront dorénavant Alto. Matti s’est auparavant battu pour préserver l’indépendance de la Finlande. Il voit à présent des ennemis (les communistes, autrement dit les Russes) partout, « ...exposant au mur ses médailles de guerre contre l’Armée rouge et clamant régulièrement sa méfiance envers la dictature du prolétariat ». La Suède représente pour lui et Beata une terre d’accueil favorable, où leurs jumeaux et l’enfant à venir (Beata est enceinte) pourront grandir dans de bonnes conditions. De caractère quelque peu excentrique et volontiers volubile, Matti se lance dans l'élevage d'« insectes prédateurs » contre les « nuisibles ». « Malgré la solide conviction des grands propriétaires de l'efficacité sans faille des produits chimiques, il leur avait, lui, le Finnois fou d'insectes, montré une alternative écologique ». Le reste de la famille s’acclimate autant que possible à son nouveau pays, si proche et cependant si différent du pays natal. Matti, lui, subit l’époque. La nonchalance des Suédois l’exapère et il s’essaie à en prévenir les siens. « Et rappelez-vous, mes enfants, qu’il n’existe aucune raison de ne pas s’attendre au pire ! » Lorsqu’il apprend qu’il est atteint d’un cancer, il décide d’attribuer une belle somme d’argent à chacun de ses enfants (trois, car l’un est officiellement mort, mais est-ce si sûr ?), à condition, pour eux, de montrer qu’ils méritent cette avance sur héritage - son entreprise d’insectes prédateurs. Et cela se corse. Sa fille est amoureuse d’un voyou, qui incendie le bar qu’elle vient d’ouvrir ; son cadet aimerait écrire, mais sèche devant la page blanche ; et son autre fils se met les dealers de la capitale à dos... « C’était douloureux, mais il fallait se rendre à l’évidence : aucun des enfants ne saurait être à la tête d’une entreprise. » Matti quittera-t-il la vie l’esprit serein ? Avec Attends-toi au pire, Petteri Nuottimäki (né en 1968) livre là une saga familiale d’aujourd’hui avec pléthore de références historiques, un roman plein d’humour d’un bout à l’autre. Autrement dit, « un certain roman sur les aventures excentriques d’une drôle de famille d’immigrants. »

 

* Petteri Nuottimäki, Attends-toi au pire (Förvänta dig det värsta, 2015), trad. Emmanuel Curtil, Gaïa, 2018