Essais

Du temps et de l’eau

Du temps et de l eau

L’écrivain Andri Snær Magnason (né en 1973) n’est pas tout à fait un inconnu en France, puisque l’on trouve de lui un roman de science-fiction, Lovestar, un recueil de poésie, Poèmes de supermarché, et un ouvrage pour la jeunesse, Les Enfants de la planète bleue. Trois volumes de bonne facture. Dans Du temps et de l’eau, un essai sous-titré « requiem pour un glacier », il s’interroge sur l’avenir de... l’eau, cet élément constitutif de notre planète bleue : « Au cours des cents prochaines années, la nature de l’eau va subir de profondes transformations. Les glaciers situés en dehors des zones polaires vont fondre en grande partie, le niveau des océans va s’élever, les températures vont augmenter, entraînant des sécheresses et des inondations. Le degré d’acidité des océans va atteindre un niveau inégalé depuis cinquante millions d’années. Ces évolutions vont se produire dans l’intervalle d’une vie humaine. » Cri d’alarme lancé régulièrement par des scientifiques, sans réelle répercussion sur les politiques internationales. Faisant appel à ses souvenirs et à sa généalogie, Andri Snær Magnason le replace dans sa temporalité. Il s’interroge également sur la spiritualité et évoque ses rencontres avec le dalaï-lama. Du temps et de l’eau est un ouvrage foisonnant, comme un fleuve en cru, emportant tout avec lui. L’auteur est un être curieux, qui relie les éléments de la connaissance les uns aux autres. La catastrophe climatique à venir, ou en cours, lui apparaît ainsi plus précisément. « Les glaciers sont des manuscrits qui racontent des histoires, de la même manière que les anneaux d’un arbre ou les couches géologiques aident à reconstituer le passé. » Vagabonder par la pensée sur notre belle planète en compagnie de Andri Snær Magnason nous ferait presque oublier que plus rien ne sera bientôt comme avant – ou que le pire succédera au mieux. « ...Il devrait être possible de traîner devant les tribunaux ceux qui détruisent la biosphère », s’indigne l’ancien candidat à la présidence de la république d’Islande, « les gouvernements dignes de ce nom devraient interdire que la liberté individuelle donne le droit de nuire aux autres » (toujours la même chose, n’est-ce pas : l’intérêt personnel contre l’intérêt commun, l’intérêt personnel qui prime sur l’intérêt commun), regrettant que rien ne soit fait pour préserver l’équilibre de la nature, sinon des mesurettes de temps à autre. Pourtant, comme il nous le rappelle, toutes les formes de vie sont liées sur la Terre et la disparition des insectes ou des oiseaux aura des effets néfastes sur la vie humaine. Un beau texte à lire, à méditer.

* Andri Snær Magnason, Du temps et de l’eau (Um tímann og vatnið, 2019), trad. Catherine Mercy & Véronique Mercy, Alisio, 2021