Bandes dessinées

Nota bene, La Mythologie nordique

Nota bene

La mythologie nordique, on aime ou on aime moins, si violente, si sanglante, d’une telle invraisemblance... ! « Des géants qui meurent, des cris, du sang... Il faut ça pour qu’une histoire soit bonne ! » Benjamin Brillaud et Mathieu Mariolle, au scénario, et Christian Paty au dessin, parviennent pourtant à captiver le lecteur dans cet album de bande dessinée, Nota bene, La Mythologie nordique. Il est vrai qu’ils usent d’humour et renversent ainsi des situations glauques de peu d’intérêt. Comme quoi, répétons-le après le procès de l’attentat contre Charlie, les mythes et le rire peuvent faire bon ménage. Nous retrouvons ici ces dieux si sympathiques, Odin et Thor et leurs acolytes, décernant des anathèmes et criant vengeance au moindre clignement de cils dans leur direction. Les auteurs prennent peut-être quelque liberté avec les textes originels – on ne saurait le leur reprocher puisque ces textes ont été rédigés par des chrétiens hostiles aux coutumes païennes des anciens Nordiques. Les Pays nordiques « étant christianisés en masse depuis plus de deux siècles déjà, les récits écrits à cette même époque peuvent donc parfois être considérés comme ‘altérés’ par une main chrétienne. (…) Bien que riches en informations, ces textes sont donc encore aujourd’hui sujets à débat. » Pour une analyse fine de la mythologie nordique, renvoyons aux travaux de Régis Boyer et d’autres spécialistes. Mais pour une introduction permettant de mieux percevoir les sagas qui envahissent aujourd’hui les écrans (et les livres et les jeux vidéos), cette bd fait plus que l’affaire.

* Benjamin Brillaud/Mathieu Mariolle/Christian Paty, Nota bene, La Mythologie nordique, Soleil, 2020

 

Hägar Dünor, 1977-1978, tome 4

Hagar dunor tome 4

Voici la parution du quatrième volume de l’intégrale consacrée au célèbre Viking dessiné, Hägar Dünor, imaginé par Dik Browne, dont les aventures en « strips », trois cases horizontales, ont longtemps agrémenté la presse internationale (jusqu’à plus de mille titres en même temps !). L’introduction de ce volume est signée Chris Browne, fils de Dik (Richard Arthur Allan Browne, 1917-1989). Il nous présente un auteur attachant et appréciant l’humour, qui, rappelle-t-il, s’est inspiré de la propre vie de sa famille et de ses amis pour créer ses personnages. « Physiquement, personne n’aurait pu ressembler plus à Hägar que Papa. Il mesurait près de deux mètres et pesait 125 kg tout mouillé. Il avait un regard triste et émouvant, un nez rond et rouge d’Irlandais, une barbe viking d’un roux éclatant, le rire facile et le pas léger. » Un superbe avant-propos de l’auteure et illustratrice Cathy Guisewite pose directement la question : « Qu’y a-t-il chez lui qui me donne envie de lui faire un gros câlin ? » Car, inutile de minimiser les faits, « il mange trop, boit trop, rentre tard et refuse de se laver. Il reluque les femmes, traîne avec des gens bizarres et prend son épouse pour une domestique. Il reproche à son fils d’être trop sensible et aime verser du haut d’une tourelle des chaudrons de liquide bouillant sur les gens. » Hägar Dunor n’est pas fréquentable et pourtant, comme un vieil ami laissé de côté à cause de ses mauvaises manières, il n’est guère difficile de finir par lui faire une petite place, tant sa présence est appréciée. Cathy Guisewite nous avoue sans détour ses sentiments pour ce personnage de fiction, et plus encore pour son géniteur : « Dik était modeste et gentil, avec un gros rire joyeux et un cœur grand ouvert. Il ressemblait bien plus à un ours en peluche qu’à un auteur de bande dessinée de renommée internationale... » Hägar Dunor est un personnage surréaliste. Déjanté, dirait-on aujourd’hui. Son humour loufoque surprend, conquiert, séduit. Dik Browne ne respecte que de loin les réalités historiques, mais les anachronismes dont il parsème ses vignettes ne choquent pas. Au contraire, puisqu’ils ont pour effet d’insister sur la vie quotidienne laborieuse de ses héros et héroïnes. Après tout, se dit-on, à le lire, les Vikings présentés là ne sont pas bien méchants. Hägard Dunot est volontiers pacifiste et quand il se bat, ce n’est que pour se défendre. Hildegarde, son épouse, ne se laisse pas faire et ne manque pas non plus d’un humour qui la concerne elle au premier chef. À la question de sa fille, « Maman, que dites-vous des femmes qui travaillent ? », elle répond : « Comment ça, il y en a d’autres ? » Ou encore, à l’adresse des hommes de sa famille : « Il faut toujours se laver derrière les oreilles, porter des sous-vêtements propres et ne pas rentrer dans les bagarres »... Sûr, qu’elle sera entendue ! Tous ces personnages ont bien des points communs avec nous, aujourd’hui. Hägar Dunor est un classique de la bande dessinée du XXe siècle. Hilarant, toujours, plus fin qu’il n’y paraît, et intelligent.

* Dik Browne, Hägar Dünor (Tome 4, 1977-1978), trad. de l’américain Tristan Lapoussière, avants-propos Cathy Guisewite et Chris Browne, Urban Comics, 2022

Hägar Dünor, 1976-1977, tome 3

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Voici le troisième volume de l’intégrale des aventures du célèbre Viking dessiné, Hägar Dünor, imaginé par Dik Browne : « Le pillard le plus tendre qui soit. C’est un père et un mari qui subvient aux besoins de sa famille tout en conservant une âme de grand enfant barbu. Ses passe-temps favoris sont : manger, boire, piller et mettre à sac. » Ses aventures en « strips », trois cases horizontales, ont longtemps agrémenté la presse internationale. En France, elles ont été publiées dans Le Journal de Mickey ou L’Écho des savanes. Au grand plaisir des lecteurs sensibles à cet humour jamais tari, qui mêle allègrement les grandes questions existentielles (que tout Viking digne de ce nom ne mésestime pas) et les cruelles angoisses de la vie quotidienne (renforcées par la présence de la chère Helga/Hildegarde et de leurs deux enfants). L’introduction de ce volume est signée Chris Browne, fils de Dik (Richard Arthur Allan Browne, 1917-1989). Il nous présente un auteur attachant et appréciant l’humour plus que tout. Comme le dit Hildegarde, « un Viking, ça ne se refait pas ».

 

* Dik Browne, Hägar Dünor (Tome 3, 1976-1977), trad. et postface Tristan Lapoussière, Urban Comics, 2017

Il était une fois l’homme : Les Vikings (tome 3)

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Dans la série Il était une fois l’homme, cette bande dessinée (et cette série télé) qui retrace l’histoire de l’humanité, notons la parution du tome 3, consacré aux Vikings. Par le biais d’une petite histoire mettant en scène plusieurs personnages récurrents, les auteurs – Jean-Charles Gaudin pour le scénario et Jean Barbaud et Minte (Mainstream International Entertainment, studio numérique international) pour le dessin – nous emmènent dans un village de Norvège à l’époque viking. L’intrigue est minimaliste et les gags ou les jeux de mots des plus simples. Mais l’essentiel est là : les Vikings sont présentés dans leur vie quotidienne, faite de pêche et de batailles, jusqu’au moment (en 792) où la raison l’emporte. « Désormais, plus de pillages entre les peuples nordiques !... » Tour à tour guerriers et commerçants, les Vikings vont se mettre en route de par le monde, se sédentariser parfois, pour écrire l’épopée que nous connaissons.

 

* Jean-Charles Gaudin/Jean Barbaud & Minte, Il était une fois l’homme : Les Vikings (tome 3), Soleil, 2017

Akkinen, zone toxique

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On ne sait pas quelle région du monde cet album de bande dessinée prend pour cadre mais... les noms des lieux et de bien des personnages ont des consonances finlandaises. Le décor peut aussi laisser penser que nous sommes là quelque part en Finlande. Gaspar et sa fille Tessis, adolescente, surgissent un beau jour, après avoir traversé une frontière étroitement surveillée. Gaspar est embauché par Géotrupe, l’exploitation de sables bitumeux que dirige son frère Elias. « T’es un looser, Gaspar, un putain de looser. Pas moi ! » L’exploitation est controversée, notamment par Pekko, un vieil écologiste qui lui reproche de polluer l’eau des nappes phréatiques de toute la région. Tessie sympathise avec lui. Quand il disparaît, elle encourage son père à mener l’enquête, sachant que la police qui copine avec Géotrupe, n’en n’a rien à faire. Jouant sur des tons gris et orangés, cet album restitue les paysages de ce bout du monde, avec cette entreprise polluante qui fait, littéralement, la pluie et le beau temps des habitants. Une bande dessinée réaliste, en relais aux combats menés ici ou là contre des projets pharaoniques, dévastateurs et imbéciles.

 

* Iwan Lépingle,Akkinen, zone toxique, Sarbacane, 2018

Vinland (Tome 2, Yggdrasil)

Vinland

« Le froid de la neige, le feu des volcans et la furie du ciel... » : nous sommes non pas en Islande mais en Amérique du Nord dans le deuxième album de Vinland, « la terre du vin », de Félix Vega (né en 1971), Yggdrasil. Xe siècle. La christianisation est en cours dans l’ensemble du monde viking. Dans les terres découvertes, la cohabitation entre autochtones et nouveaux venus ne se fait pas sans friction. Quand il s’agit de protéger une « femme-oiseau », « une puissante magicienne qui vient d’un dixième royaume, à l’ouest de Midgard », les personnages de la mythologie nordique sont au rendez-vous. Les décors s’embrasent et le temps se fait relatif.

* Félix Vega, Vinland (Tome 2, Yggdrasil), trad. Julie Lesage, Clair de lune, 2021