Arts
Sauvages nudités, peindre le Grand Nord
Bilingue (français-anglais), ce catalogue d’exposition, Sauvages nudités, peindre le Grand Nord, donne à voir les œuvres de trois peintres partis explorer cette région du monde : les Norvégiens Peder Balke (1804-1887), Anna-Eva Bergman (1909-1987, compagne du peintre Hans Hartung) et François-Auguste Biard (1799-1882) avec sa compagne Léonie d’Aunet (on doit, à celle qui sera la maîtresse de Victor Hugo, un remarquable récit, Voyage d’une femme au Spitzberg, 1854). « ...Ce n’est pas un paysage, c’est un immense dessin à la manière noire », écrira cette dernière. Organisée par l’Institut national d’histoire de l’art, à Paris, et conçue par Éric de Chassey, l’exposition s’est tenue du 7 juin au 8 juillet 2019 dans l’appartement qui fut celui de Prosper Mérimée. Au cours des XIX et XXe siècles, les peintres firent le voyage dans le nord à diverses reprises, du Finnmark à l’archipel du Svalbard, de la Laponie au Cap Nord (comme les poètes, songeons à Christian Dotremont, ou les écrivains, Jean-Paul Sartre par exemple). À un siècle d’écart, dans des styles picturaux radicalement différents, ils s’imprégnèrent de la luminosité particulières des lieux, des paysages et de leurs habitants. « Ils en rapportèrent des impressions décisives, qui laissèrent leurs marques sur l’ensemble de leur œuvre postérieur, notamment, dans le cas de Balke et de Bergman, en brouillant les frontières de la figuration et de l’abstraction », note Éric de Chassey. Un catalogue d’exposition qui permet de (re)découvrir trois peintres ici méconnus (la remarque vaut pour Biard) et leur regard singulier sur les étendues grandioses du Nord de l’Europe, inspiratrices d’œuvres novatrices.
* Éric de Chassey (sous la direction de), Sauvages nudités, peindre le Grand Nord, Institut national d’histoire de l’art, 2019
La Peinture nordique et ses maîtres modernes

Si l’amateur honnête de peinture nordique ne doit posséder qu’un unique livre sur le sujet, il s’agit évidemment de celui-ci : La Peinture nordique et ses maîtres modernes (1800-1920). Signé Frank Claustrat (enseignant-chercheur franco-suédois, spécialiste de l’art nordique) il présente de manière synthétique une bonne soixantaine de peintres des cinq pays nordiques et leurs œuvres, en deux ou quelquefois quatre pages pour chacun. C’est bien entendu trop peu, il y a selon nous des manques (Ivan Aguéli, John Bauer, par exemple), mais il faut faire des choix (« la partie immergée de l’iceberg ») et pour une première visite de ce musée imaginaire dont Frank Claustrat nous ouvre les portes, cet ouvrage est un bon, un très bon compagnon. Il « analyse les œuvres les plus représentatives de ces maîtres de l’École nordique moderne, artistes souvent rebelles (August Strindberg) et toujours dotés d’un esprit visionnaire (Eugène Jansson) ». C’est ce qui fait, en effet, l’intérêt de ce courant artistique longtemps mis de côté et ré-estimé à partir de la fin du XXe siècle à l’occasion de plusieurs expositions d’envergure. Comme dans les œuvres littéraires de cette époque et de cette région du monde défendues par Georg Brandes, les œuvres picturales allient une vision esthétique à une forte vision sociale. La peinture nordique acquiert ainsi une spécificité qui ne relève plus uniquement de cette fameuse lumière boréale. Frank Claustrat répertorie des peintres célébrissimes (Akseli Gallen-Kallela, Vilhelm Hammershøi, Peder Severin Krøyer, Edvard Munch, Carl Larsson, Helene Schjerfbeck, Fritz Thaulow et... Camille Pissarro, de nationalité non pas française, mais danoise) et d’autres ici moins connus mais non moins dignes d’intérêt (le Danois Hans Andersen Brendekilde, les Finlandais Fanny Churberg, Albert Edelfelt, Eero Järnefelt, Ellen Thesleff, l’Islandais Þórarinn Benedikt þorláksson, les Norvégiens Peder Balke, Theodor Kittelsen, les Suédois Gustav Fjæstad, Bruno Liljefors, etc.). Son ouvrage, porté par un solide savoir et une riche iconographie, est le seul à les rassembler aujourd’hui et se révèle indispensable pour tout amateur d’art et notamment, donc, d’art des Pays nordiques. (À quand un volume portant sur les années post-1920 – et un autre sur l’art brut et la peinture naïve nordique, si foisonnante ?)
* Frank Claustrat, La Peinture nordique et ses maîtres modernes (1800-1920), Le Faune, 2020
Nordic noir

Ce ne sont pas seulement des photographies que Sébastien van Malleghem propose dans ce livre, Nordic noir, mais un regard. Son regard sur les pays du Nord, et notamment (nous semble-t-il), sur la Norvège et l’Islande. Uniquement en noir et blanc, ses photographies jouent sur les contrastes, rendant surprenantes, voire presque inquiétantes, certaines scènes a priori banales. Des paysages, quelques personnages, assez peu : un couple, une femme, des enfants... En arrière-plan, une chute d’eau, un flan de montagne, des serres, un sauna ou du poisson séchant à l’air libre. Le tout, constituant un monde onirique très particulier. Un court texte - deux pages. « Seule subsiste, dans l’Arbre millénaire, une béance humaine. » On retrouve les photographies de Sébastien van Malleghem (né en Belgique, en 1986) dans divers organes de presse : Le Monde, Polka, Times, Paris-Match, etc. Il a déjà publié plusieurs autres livres de photos : Police, Prisons et Réagir (la misère dans les Hauts-de-France). Les titres sont parlants. Comme pour celui-ci, Nordic noir. Un livre déroutant, une vision esthétique personnelle d’un Nord que Sébastien van Malleghem a su s’approprier.
* Sébastien van Malleghem, Nordic noir, André Frère, 2017